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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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SIÈCLE DE LOUIS XIV. — POÉSIE-<br />

pas en cherchant <strong>de</strong>s termes nou*eaux et inusités,<br />

<strong>de</strong>s figures bizarres, <strong>de</strong>s combinaisons forcées : le<br />

poète n'a point re<strong>cours</strong> au néologisme, il se sert <strong>de</strong>s<br />

mots les plus ordinaires, <strong>la</strong> mèche, le soufre, le caillou,<br />

<strong>la</strong> cire, le brasier; mais il les combine sans<br />

effort, <strong>de</strong> manièie à leur donner <strong>de</strong> l'élégance et <strong>du</strong><br />

nombre. Et<strong>de</strong>s jeunêsgens qui n'ont guère fait qu'entasser<br />

<strong>de</strong>s lieux communs ampoulés sur le soleil et <strong>la</strong><br />

lune, préten<strong>de</strong>nt créer <strong>la</strong> poésie <strong>de</strong>scriptive, créer<br />

une <strong>la</strong>ngue inconnue à Boileau et à Racine! Au<br />

lieu <strong>de</strong> songer à en faire une, qu'ils étudient encore<br />

celle d© leurs maîtres; et, sans vouloir <strong>la</strong> changer,<br />

qu'ils apprennent à s'en servir comme eux. "<br />

Nous n'avons pas d'ouvrage où Ton trouve plus<br />

souvent que dans le IMrin l'exemple <strong>de</strong> ces détails<br />

vulgaires relevés par ceux qui les avoisineet. Je n'en<br />

citerai plus qu'un seul entre mille autres : c'est l'habillement<br />

<strong>du</strong> chantre.<br />

Os apporte à rtaHant ses «waptuiMi habite s<br />

Où sur rouat® moUc ée<strong>la</strong>te le tabis.<br />

D'une longue sosîane 11 endosse <strong>la</strong> molle,<br />

Prend «sa ganta wtetefs;ies marques <strong>de</strong> sa gtotra*<br />

Et suffit en pleurant ce roefaet qu'autrefois<br />

Le pré<strong>la</strong>t trop Jalons lui rogna <strong>de</strong> trais doigts.<br />

Quel choix d'expressions et <strong>de</strong> circonstances! L'ouate,<br />

que nous prononçons communément mette, neeem-<br />

ble pas faite pour Igurer dans un vers ; mais 1® poète,<br />

en faisant tomber doucement le sien sur ïmmte<br />

molk, et le relevant pour y faire éc<strong>la</strong>ter h tabit,<br />

vient à bout d'en tirer <strong>de</strong> l'élégance et <strong>de</strong> l'harmonie.<br />

Il emploie le même art pour ennoblir <strong>la</strong> soutane<br />

<strong>du</strong> chantre par une épithète bien p<strong>la</strong>cée, par une figure<br />

fort simple, qui consiste à- prendre <strong>la</strong> partie<br />

pour le tout, et il en résulte un vers élégant et pittoresque<br />

:<br />

mme long!» soutane §1 endosse <strong>la</strong> moire.<br />

• Prendre ses ganta est bien une action triviale :<br />

mais Sa ganls violets, les marques d® sa gloire,<br />

sont relevés par une heureuse opposition. Enin, il<br />

met <strong>de</strong> l'intérêt jusque dans ce rocket, p<strong>la</strong>cé à une<br />

césure artificielle, ee rocket<br />

Qû*m pré<strong>la</strong>t trop Jaloux loi rogna <strong>de</strong> trato doigts.<br />

Ce style <strong>mont</strong>re <strong>la</strong> science <strong>de</strong> tout embellir, et le<br />

néologisme ne <strong>mont</strong>re que l'impuissance.<br />

On a pu remarquer, dans tout ce que j'ai rapporté<br />

, combien l'auteur possè<strong>de</strong> tous les secrets <strong>de</strong><br />

l'harmonie Imitative. On a cité mille fois le sommeil<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> Mollesse, et ces vers sur les rois Ainéants<br />

:<br />

Aucun §©ta n'approchait <strong>de</strong> leur paisible cour;<br />

On reposait <strong>la</strong> nuit, on donnait tout le Jour.<br />

Seulement an printemps s quand Ftaw dans les<br />

Là HAMPE. — TOM1 !•<br />

TOS<br />

Faisait taira <strong>de</strong>s vents les broyantes Mlefner,<br />

Quatre tMMtfs attelés, d'un pas trampiilie et lent,<br />

Promenaient dans Paris le monarque Indolent<br />

L« vers marchent aussi lentement que les beeuft<br />

qui traînent le char. C'est ainsi que le poème est<br />

écrit d'un bout à l'autre : partout le mira® rapport<br />

<strong>de</strong>s sons avec les objets.<br />

Ils passent <strong>de</strong> <strong>la</strong> nef <strong>la</strong> vaste solitu<strong>de</strong>,<br />

Et dans <strong>la</strong> sacristie entrant, non sans terreur,<br />

Es percent jusqu'au fond <strong>la</strong> ténébreuse horreur.<br />

Ces! là qm <strong>du</strong> lutrin p <strong>la</strong> machine énorme.<br />

Cette épithète s si bien p<strong>la</strong>cée à <strong>la</strong> in <strong>du</strong> fers, présente<br />

le lutrin dans toute sa masse.<br />

Et d'en bras qui peut tout ébranler,<br />

Lui-même se courbant, s'apprête à le ro<strong>de</strong>r.<br />

Vous voyes, tous enten<strong>de</strong>s IWort <strong>de</strong>s bras qui te<br />

soulèvent : f oyons-le dans <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce qu'un lui <strong>de</strong>stine.<br />

Aussitôt dans le chœur <strong>la</strong> machine emportée<br />

Est sur le banc <strong>du</strong> chantre à grand brait re<strong>mont</strong>ée.<br />

Ses ali <strong>de</strong>mi-pourris, <br />

il a jugé à propos <strong>de</strong> ressusciter le vieux mot bruhsemenê,<br />

dont il ne reste plus que <strong>la</strong> raeine bruire,<br />

et qui, lorsqu'on lui donne <strong>la</strong> valeur <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux pieds,<br />

a Finconvénieet <strong>de</strong> substituer <strong>de</strong>ux syl<strong>la</strong>bes à une<br />

diphthoogue,ee qui forme un mot sourd et un<br />

rhytbme indéterminé. Il a mis :<br />

miêïmèlmpûmmmlmglmâêMMmi,<br />

Ainsi t en rendant à Boileau l'expression, reflet et<br />

l'artffioe <strong>du</strong> vers, il ne reste à celui qui fa pris que<br />

le bndstememê, qui n'est pas une invention merveilleuse.<br />

Ne va<strong>la</strong>it-il pas mieux prendre le gémissement<br />

avee tout le reste, que <strong>de</strong> rajeunir d* cette<br />

manière <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue usée <strong>de</strong> Despréaux?<br />

Je me suis un peu éten<strong>du</strong> sur le Lutrin, parce<br />

que cet ouvrage est, avee ÏJrt poétique, ee qui<br />

.fait le plus d'honneur à Boileau; e'est un <strong>de</strong> ceux<br />

où <strong>la</strong> perfection <strong>de</strong> <strong>la</strong> poésie française a été portée<br />

le plus loin f eeln celui où l'auteur a été plus poète<br />

* loucher, r auteur ?ln poisie <strong>de</strong>s Mokf qui d'ailleurs<br />

avait <strong>du</strong> talent : U en sen parié dans Sa MMB <strong>de</strong> cet ouvrage.<br />

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