la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal
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Combien « mot cruel est affreux quand on aime?<br />
Dans un mois, dans îIîI an, comment souflrirei-votis,<br />
Seigneur, que tut <strong>de</strong> mers me séparent «le vous?<br />
Que le Jour roeommenee, et que le Jour <strong>la</strong><strong>la</strong>tê -<br />
Sans que Jamais Titus poisse voir Bérénice ?<br />
Sans que <strong>de</strong> tout le Jour Je puisse voir Titus ?<br />
On reconnaît Mes <strong>la</strong> même femme qui disait tout<br />
à l'heure à Titus , lorsqu'elle était loin <strong>de</strong> prévoir<br />
son infortune, et qu'elle le revoyait après huit jours<br />
d'absence :<br />
SIÈCLE DE LOUIS XIV. — POÉSIE,<br />
Votre <strong>de</strong>uil at Eut, riei n'arrête vos pas ; *<br />
V©us êtes seul enfin, et se me cherches pas.<br />
J'entends que vous m'offret un nouveau diadème,<br />
Et se puis cependant TOUS entendre vous-même.<br />
Hé<strong>la</strong>s ! plus <strong>de</strong> repos} seigneur, et moins d'éc<strong>la</strong>t f<br />
Votre amour ne peut-Il paraître qu'au sénat?<br />
âh! Titus (car enfin l'amour fait <strong>la</strong> contrainte<br />
De tous ces noms que suit le respect et <strong>la</strong> crainte),<br />
m quel soin votre amour va-Ml s'Importuner?<br />
H'a-t-il que <strong>de</strong>s États qnll me puisse donner?<br />
Depuis quand croyez-vous que ma gran<strong>de</strong>ur me tança*?<br />
tin soupir, un regard f un mot <strong>de</strong> foire bouche,<br />
YoUà raaiMtfaa d'un «rat comme le mies,<br />
Voyei-moi plus souvent, et ne me donnet rien.<br />
Tous vos moments sont-ils dévoilés à Templra?<br />
Ce «sur, après huit Jours, nVt-il rien à me dite?<br />
Qu'un mot va rassurer mes timi<strong>de</strong>s esprits !<br />
Mais narifei-vous <strong>de</strong> moi quand Je vous al surpris ?<br />
Bans TM secrets dis<strong>cours</strong> étais-Je intéressée,<br />
Seigneur? Ë<strong>la</strong>fs-Je au moins présente à <strong>la</strong> pensée I<br />
lA mérite <strong>de</strong> ce style ( et il est bien rare ) 9 c'est <strong>de</strong><br />
dire en vers parfaits ce qu'ont senti tous les cœurs<br />
qui ont aimé, ce que sentiront tous les cœurs qui<br />
aimeront ; <strong>de</strong> le dire sans que les difficultés <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
•ersiication amènent un seul mot inutile, un seul<br />
hémistiche faible; et ie privilège <strong>de</strong> l'harmonie<br />
poétique est <strong>de</strong> graver dans <strong>la</strong> mémoire tout ce<br />
qu'elle exprime, ce que ne peut Étire <strong>la</strong> meilleure<br />
prose.<br />
« Quel dieu avait donc donné à Racine cette diction<br />
flexible et mélodieuse qui exerce tant d'empire sur Famé<br />
et ter les sens i Faut-il s'étonner que <strong>la</strong> cour <strong>de</strong> Louis XI Y,<br />
cette cour si polie et si bril<strong>la</strong>nte, ait admiré ce <strong>la</strong>ngage<br />
enchanteur qu'on n'avait point encore enten<strong>du</strong> ? Beautés à<br />
jamais célèbres, dont les noms sont p<strong>la</strong>cés dans nos annales<br />
avec ceux <strong>de</strong>s héros <strong>de</strong> ce siècle fameux, combien vous<br />
<strong>de</strong>viez aimer ftaciae ! Combien ? nus <strong>de</strong>viez chérir l'écrivain<br />
tfai paraissait avoir étudié son art dans votre cœur, qui<br />
semb<strong>la</strong>it être dans tous vos secrets, qui vous entretenait<br />
<strong>de</strong> vos penchants, <strong>de</strong> vos p<strong>la</strong>isirs, <strong>de</strong> vos douleurs, en<br />
•en aussi doux que <strong>la</strong> voix <strong>de</strong> <strong>la</strong> beauté quand elle prononce<br />
raves <strong>de</strong> <strong>la</strong> tendresse! Ames sensibles, et presque<br />
toujours malheureuses, qui avez un besoin continuel d'émotion<br />
et d'attendrissement„ c'est fsctaa qui est votre<br />
pacte et qui le sera toujours! c'est lui qui repro<strong>du</strong>it en<br />
vous toutes les impressions dont vous aimez à vous nourrir<br />
; c'est lui dont l'imagination amoureuse répond toujours<br />
à <strong>la</strong> votre , qui pent en suivre l'activité et les mouvements r<br />
es remplir l'avidité Insatiable; c'est avec lui que vous aimens<br />
à pleurer 9 c'eat à irons qnll a conié le dépôt <strong>de</strong> sa<br />
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glira, et vous Sa défendres sans doute, pour prli <strong>de</strong>s <strong>la</strong>rmes<br />
qu'il vous fait répandre. » ( Élêg§ éê Mmeime* )<br />
••en©* iv. — MsimmL<br />
Racine avait lutté , dans Bérénice, contre un sujet<br />
qu'on lui avait prescrit, et il était sorti triomphant<br />
<strong>de</strong> cette épreuve si dangereuse pour te talent,<br />
qui veut toujours être libre dans sa marche, et se<br />
tracer à lui-même <strong>la</strong> route qu'il doit tenir. Bqfmzei<br />
fut un ouvrage <strong>de</strong> son choix. Les mœurs 9 nouvelles<br />
pour nous $ d'une nation avec qui sous avions eu<br />
longtemps aussi peu <strong>de</strong> communication que si <strong>la</strong> nature<br />
l'eût p<strong>la</strong>cée à reitrémité <strong>du</strong> globe; <strong>la</strong> politique<br />
sang<strong>la</strong>nte <strong>du</strong> sérail ; (a sertie existence d'un peuple<br />
innombrable enfermé dans cette prison <strong>du</strong> <strong>de</strong>spotisme;<br />
les passions <strong>de</strong>s sultans qui s'expliquent<br />
le poignard à <strong>la</strong> main, et qui sont toujours près<br />
<strong>du</strong> crime et <strong>du</strong> meurtre, parce quelles sont toujours<br />
près <strong>du</strong> danger; le caractère et les intérêts <strong>de</strong>s vizirs<br />
qui se hâtent d'être les instruments d'une révolution,<br />
<strong>de</strong> par d'en être les victimes; l'inconstance<br />
ordinaire <strong>de</strong>s Orientaux, et cette servitu<strong>de</strong><br />
menaçante qui rampe aux pieds d'un <strong>de</strong>spote, et<br />
s s élève tout à coup <strong>de</strong>s marches <strong>du</strong> trône pour le<br />
frapper et le renverser : voilà le sujet absolument<br />
neuf qui s'offrait au pinceau <strong>de</strong> Racine, à ce même<br />
pinceau qui avait si supérieurement colorié le tableau<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> cour <strong>de</strong> Héron, et <strong>de</strong> Rome dégénérée<br />
et avilie sous les césars. Cette science <strong>de</strong>s couleurs<br />
locales, cet art <strong>de</strong> marquer un sujet d'une teinte<br />
particulière qui avertît le spectateur <strong>du</strong> lieu où le<br />
transporte l'illusion dramatique, le rêie fortement<br />
passionné <strong>de</strong> Roxane , le grand caractère d'Âcomat,<br />
une exposition regardée par tous les connaisseurs<br />
comme le chef-d'œuvre <strong>du</strong> théâtre dans cette par<br />
tie; tels sont les principaux mérites qui se présentent<br />
dans l'analyse <strong>de</strong> <strong>la</strong> tragédie <strong>de</strong> BqfaMt J'expliquerai<br />
ensuite ce qui me paraît défectueux dans<br />
les autres parties <strong>de</strong> ce drame; et si ma critique parait<br />
sévère, elle prouvera <strong>du</strong> moins mon entière<br />
impartialité, et que mon admiration pour Racine, en<br />
me passionnant pour ses beautés, ne me ferme point<br />
les yeux sur ses défauts.<br />
Le détail où j'entrerai sur <strong>la</strong> première scène a<br />
pour objet principal <strong>de</strong> faire voir que Racine a trèsbien<br />
connu ce <strong>de</strong>voir essentiel <strong>du</strong> péëte dramatique<br />
, d'être un peintre idèle <strong>de</strong>s mœurs. Meus avons<br />
vu comme il a peint les Romains dans BrMannicm;<br />
nous verrons bientôt comme il peint les Juifs dans<br />
JikmUê : voyons comme il peint les Turcs dans<br />
Bc^meL Je cite <strong>de</strong> préférence ces trois tableaux si<br />
différents, parce qu'ils lui appartiennent en propre,<br />
et qu'ils n'ont point été surpassés. Je n'insiste pas<br />
sur <strong>la</strong> peinture <strong>de</strong>s tncron grecques ; d'autres que