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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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963<br />

COURS DE LITTÉRATURE.<br />

ten<strong>du</strong> <strong>la</strong> valeur I peu près égale <strong>de</strong>s motifs pour et <<br />

contre et <strong>la</strong> di?ersité <strong>de</strong>s esprits v mais <strong>de</strong> bien saisir<br />

et <strong>de</strong> bien apprécier les caractères distinetifs et les<br />

mérites particuliers <strong>de</strong> chacun.<br />

J'avais toujours préféré Cteér on, et je le préfère<br />

encore comme écrivain; mais <strong>de</strong>puis que fai YH<br />

<strong>de</strong>s assemblées délibérantes, fai cru sentir que <strong>la</strong><br />

manière <strong>de</strong> Démosthènes y serait peut-être plus puissante<br />

dans ses effets que celle <strong>de</strong> Cieéron,<br />

Remarquez que tous <strong>de</strong>ux ne sont plus pour nous,<br />

à proprement parlerf que <strong>de</strong>s écri?ains ; nous ne les<br />

entendons pas , nous les lisons : ils ne sont plus là<br />

pour nous persua<strong>de</strong>r, mais pour nous p<strong>la</strong>ire. Philippe<br />

et Esefatne, Antoine et Catilina sont jugés il<br />

y a longtemps ; c'est Cieéron et Démosthènes que<br />

nous jugeons, et cette différence <strong>de</strong> point <strong>de</strong> vue<br />

est gran<strong>de</strong>, cor, pour les Grecs et pour les Romains,<br />

c'était <strong>de</strong> <strong>la</strong> chose qu'il s'agissait a?ant tout, et<br />

ensuite <strong>de</strong> l'orateur. Tons <strong>de</strong>ux ont eu les mimes<br />

succès f et ont exercé le même empire sur les âmes ;<br />

niais aujourd'hui je conçois très-bien que Cieéron 9<br />

qui a toutes les sortes if esprit et toutes les sortes <strong>de</strong><br />

ityle 9 doit être plus généralement goûté que Démosthènes<br />

, qui s'a pas cet avantage. Cieéron est datant<br />

<strong>de</strong>s lecteurs; il leur donne plus <strong>de</strong> jouissances diverses<br />

; il peut remporter : <strong>de</strong>vant <strong>de</strong>s auditeurs, nul<br />

me l'emporterait sur Démosthènes, pree qu'en l'écoutant<br />

, il est impossible <strong>de</strong> ne pas lui donner rak<br />

son ; et certainement c'est là le premier but <strong>de</strong> Fart<br />

oratoire.<br />

Ne pourrait-on pas encore observer d'autres motifs<br />

<strong>de</strong> disparité, tirés <strong>de</strong> <strong>la</strong> différence <strong>de</strong>s gou?eiv<br />

sèment* et <strong>du</strong> caractère <strong>de</strong>s peuples à qui tous <strong>de</strong>ux<br />

avaient affaire? Il n'y avait dans Athènes qu'uoe<br />

seule puissance, celle <strong>du</strong> peuple. C'était une démo*<br />

trafic absolue, telle que Rousseau <strong>la</strong> vou<strong>la</strong>it exclusivement<br />

JPOUT impeiUs Éimts : il <strong>la</strong> croyait impos*<br />

sible dans les grands ; et il n'y en avait jamais eu<br />

d'exemple.<br />

Lepeupte athénien était vo<strong>la</strong>ge 9 inappliqué, amoureux<br />

<strong>du</strong> repos, idolâtre <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>isirs, confiant dans<br />

sa puissance et dans son ancienne gloire. 11 avait<br />

besoin d'être fortement remué ; et, quoique <strong>la</strong> manière<br />

<strong>de</strong> Démosthènes fût sans doute le résultat<br />

<strong>de</strong>s qualités naturelles <strong>de</strong> son talent, elle <strong>du</strong>t aussi<br />

être modifiée, jusqu'à un eertain point, pr <strong>la</strong> connaissance<br />

qu'il avait <strong>de</strong> ses auditeurs ; et cette étu<strong>de</strong><br />

était trop importante pour échapper à un homme<br />

tout était per<strong>de</strong>. Les Athéniens étaient capables<br />

d'oublier tout ce qu'il leur disait pour s'extasier sur<br />

ses phrases , et faire para<strong>de</strong> <strong>de</strong> leur bon goût en se<br />

récriant sur le sien. U le savait si bien qu'à <strong>la</strong> fin<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> PMBppîque que j'ai-tra<strong>du</strong>ite, et qui lui attira<br />

beaucoup d'app<strong>la</strong>udissements! il leur adressa ces<br />

<strong>de</strong>rniers mots :<br />

« Eh S n'app<strong>la</strong>udisses pas l'orateurf et actes ce qe'i vous<br />

conseille, car je ne saurais vous sauver par mes parce» :<br />

c'est à vous <strong>de</strong> vous sauver pif <strong>de</strong>s actions. »<br />

Aussi , quand il avait entraîné te peuple, Il avait<br />

tout fait : on le chargeait su^le^champ <strong>de</strong> rédiger<br />

le décret suivant <strong>la</strong> formule ordinaire 9 qui en <strong>la</strong>issait<br />

à Forateur et l'honneur «t le danger. De tmwîs<br />

<strong>de</strong> Dêmmtkênm, le peuple ê f Màèm$ mrréieei décrète,<br />

etc. Nous avons encore une fa<strong>de</strong> <strong>de</strong> «es décrets<br />

, conservés chez les historiens et les orateurs<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> Grèce.<br />

Il n'en était pas <strong>de</strong> même à Rome : il y avait<br />

une concurrence <strong>de</strong> pouvoirs et une complication<br />

d'intérêts divers à ménager. Quoique <strong>la</strong> souveraineté<br />

résidât <strong>de</strong> fait dans le peuple, sans être théoriquement<br />

établie comme elle Fa été chez les mo<strong>de</strong>rnes,<br />

le gouvernement habituel appartenait au sénat, si<br />

ce n'est dans les occasions où les tribuns portaient<br />

une affaire <strong>de</strong>vant le peuple assemblé, et faisaient<br />

passer un plébiscite: dans ce cas, le sénat même<br />

y était soumis. Pour ce qu f on appe<strong>la</strong>it une loi, it<br />

fal<strong>la</strong>it réunir le consentement <strong>du</strong> peuple et <strong>du</strong> sénat;<br />

et <strong>de</strong> là ces fréquentes divisions entre les <strong>de</strong>ux<br />

ordres, dans lesquelles le peuple eut presque toujours<br />

Favantage, et, ce qui est le plus remarquable, prèsquetoujoursrapon.Maisee<br />

qui prouve que <strong>la</strong> théorie<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> souveraineté <strong>du</strong> peuple n'était pas très-c<strong>la</strong>irement<br />

connue * c'est qoe tons les actes publics portaient<br />

textuellement, Senotuspopulusqw romanus;<br />

m qui était inconséquent; les principes exigeaient<br />

que Fon dît, Popuim senatusque rommm. Mais<br />

cette différence entre <strong>la</strong> souveraineté et le gouvernement<br />

n'a été suffisamment développée que dans les<br />

écrits <strong>de</strong> Locke ; et c'est <strong>de</strong> là que Rousseau Fa reportée<br />

dans son livre <strong>du</strong> Contrat soewd.<br />

; Lesalfaire8étaientdonesouventtraitéesenmêroe<br />

temps et dans le sénat et <strong>de</strong>vant le peuple, et <strong>la</strong><br />

différence d'auditoire <strong>de</strong>vait en mettre dans l'éloquence.<br />

De plus, il y avait <strong>de</strong>s citoyens si poissants,<br />

qu'ils faisaient seuls, et par leur crédit particulier,<br />

d'un aussi excellent esprit que le sien. 11 songea donc un poids considérable dans <strong>la</strong> ba<strong>la</strong>nce <strong>de</strong>s délibéra­<br />

principalement à frapper fort sur cette multitu<strong>de</strong> tions publiques : Forateur <strong>de</strong>vait avoir égawl à toutes<br />

inattents?e, sachant bien que, s'il lui donnait le ces considérations.<br />

temps<strong>de</strong> respirer, s'il lui permettait <strong>de</strong> s'occuper <strong>de</strong>s .Le peuple romain était beaucoup plus sérieux *<br />

agrémenta <strong>de</strong> mm style et <strong>de</strong>s beautés <strong>de</strong> sa diction % plus réfléchi, plus mesuré, plut moral, que celui

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