la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal
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mm amour pour HIppolyte avec beaucoup moins<br />
d'effroi. De plus, elle s'est déc<strong>la</strong>rée, elle a fait le<br />
premier pas, et ee premier pas doit nécessairement<br />
en entraîner un autre : c'est <strong>la</strong> marche <strong>de</strong>s passions.<br />
Racine le fait bien sentir : OEnone conseille à sa<br />
maltresse <strong>de</strong> régner et <strong>de</strong> fuir HippoJyte, qui <strong>la</strong><br />
dédaigne. Elle répond :<br />
11 s'est plus temps. II sali mes ar<strong>de</strong>urs insensées :<br />
De l'austère pu<strong>de</strong>ur les borées sont passées;<br />
Ta! déc<strong>la</strong>ré ma honte aux yeux <strong>de</strong> mon vainqueur,<br />
Et l'espoir, malgré moi, s'est glissé dans mon cœur.<br />
Toi-même, rappe<strong>la</strong>nt ma force défail<strong>la</strong>nte,<br />
Et mon âme déjà sur-mes lèvres errante,<br />
Par tes conseils f<strong>la</strong>tteurs tu m'as su ranimer;<br />
Tu m'as fait entrevoir que Je pouvais l'aimer.<br />
• OEnone, il pmt quitter cet orgueil qui te Messe :<br />
Hourri dans les forêts, il en a <strong>la</strong> ru<strong>de</strong>sse.<br />
HIppolyte, en<strong>du</strong>rci par <strong>de</strong> sauvages lob v<br />
Entend parler d'amour pour <strong>la</strong> première lob.<br />
11 oppose à Famour un oser inaccessible :<br />
Cherchons pour l'attaquer quelque endroit plus sensiMe.<br />
Va'trouver <strong>de</strong> ma part ce jeune ambitieux,<br />
OEnone; fais briller <strong>la</strong> couronne à ses yeux.<br />
Qu'il mette sur son front le sacré diadème :<br />
Je ne veux que l'honneur <strong>de</strong> l'attacher moi-même.<br />
Cédons-lui ce pouvoir que Je ne pub gar<strong>de</strong>r.<br />
11 instruira mon ils dans Fart <strong>de</strong> comman<strong>de</strong>r ;<br />
Peut-être 11 voudra bien loi tenir lieu <strong>de</strong> père,<br />
le mets sous son pouvoir et le ils et <strong>la</strong> mère.<br />
Pour le fléchir enin tente tous les moyens :<br />
Tes dis<strong>cours</strong> trouveront plus d'accès que les miens.<br />
Presse, pleure, gémis;.peins-lui PhMre mourante;<br />
île roegls point <strong>de</strong> prendre une voix suppliante :<br />
Je t'avouerai <strong>de</strong> tout ; Je n'espère qu'en toi.<br />
Va, J'attends ton retour pour disposer <strong>de</strong> moi<br />
1 faut toujours, au théâtre, que <strong>la</strong> situation <strong>la</strong><br />
plus violente soit mêlée <strong>de</strong> quelque espérance qui<br />
<strong>la</strong> tempère et <strong>la</strong> varie; sans quoi une douleur toujours<br />
<strong>la</strong> même et toujours désespérée <strong>de</strong>viendrait<br />
monotone, et serait plus affligeante qu'intéressante,<br />
<strong>de</strong>us choses qu'il faut soigneusement distinguer.<br />
En conséquence <strong>de</strong> ce principe, Racine abandonne<br />
Phèdre à tous les emportements <strong>de</strong> famour, après<br />
ravoir livrée à tous les combats <strong>du</strong> remords. Il<br />
prend le moment où elle est le plus excusable; et,<br />
ce qui est plus important que tout le reste, il ne<br />
lui donne quelque espoir que pour <strong>la</strong> frapper d'un<br />
refera plus affreux; OEnone revient, et lui annonce<br />
le retour <strong>de</strong> Thésée. Quel coup <strong>de</strong> théâtre!<br />
Ces suspensions, ces alternatives, ces révolutions,<br />
sont les merveilles <strong>de</strong> <strong>la</strong> magie théâtrale, et Racine<br />
ne les a point trouvées dans ses modèles.<br />
1 La plus gran<strong>de</strong> difficulté <strong>du</strong> p<strong>la</strong>n <strong>de</strong> sa tragédie,<br />
tel qu'il l'avait conçu, était <strong>de</strong> moti?er une accusation<br />
atroce sans rendre Phèdre trop odieuse, et <strong>la</strong><br />
situation qu'il vient <strong>de</strong> ménager lui en fournit ïm<br />
moyens. Euripi<strong>de</strong> et Sénèque ne s'étaient pas embarrassés<br />
que leur Phèdre fût sans excuse; mais<br />
Là HAMPE. — TOME I.<br />
SIÈCLE DE LOUIS XIV. — POÉSIE. Mt<br />
celle <strong>de</strong> Racine tombait, si elle eût ressemblé à <strong>la</strong><br />
leur : on s'eût jamais supporté qu'une femme pour<br />
qui l'on s'était intéressé jusque-là <strong>de</strong>vînt un objet<br />
d'eiécration. Il fal<strong>la</strong>it pourtant accuser HIppolyte :<br />
c'était le sujet <strong>de</strong> <strong>la</strong> pièce. Que fait-il? 11 con<strong>du</strong>it sa<br />
Phèdre par un Eux et reinx d'événements opposés<br />
jusqu'à un moment <strong>de</strong> crise si terrible, qu'il doit<br />
lui bouleverser l'âme, et lui renverser <strong>la</strong> tête au point<br />
<strong>de</strong> se <strong>la</strong>isser aller à tout ce qu'on proposera pour<br />
sauver son honneur. Elle ne commettra pas le crime ;<br />
elle en est incapable; elle en témoigne même une<br />
juste horreur : mais le poète <strong>la</strong> mène au point <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong>isser agir OEnone. Elle ne dit pas, comme dans<br />
Euripi<strong>de</strong> :<br />
« Je mourrai, mais cette mort même me vengera, et<br />
mon ennemi ne jouira pas dti triomphe qu'il se promet :<br />
l'ingrat sera traité en coupable à son tour. »<br />
Elle est bien loin <strong>de</strong> penser à <strong>la</strong> vengeance : elle est<br />
accablée <strong>de</strong> sa honte et <strong>de</strong> son désespoir.<br />
Juste ciel ! qu'âl*j@ fait aujourd'hui?<br />
Mon époux va paraître, et son fils mm lui.<br />
le Terrai le témoin <strong>de</strong> ma tannée eeiltère<br />
Observer <strong>de</strong> quel front j'ose abor<strong>de</strong>r son père f<br />
Le cœur gros <strong>de</strong> soupirs qu'il n'a point écoutés,<br />
L'œil humi<strong>de</strong> <strong>de</strong> pleurs par l'ingrat rebuté*.<br />
Penses-tu que, sensible à l'honneur <strong>de</strong> Thésée s<br />
11 lui cache Far<strong>de</strong>ur dont Je suis embrasée ?<br />
Laissen-Ml trahir et sou père et son roi?<br />
Pourra-t-U contenir l'horreur qu'il a pour moi?<br />
Je connais mes fureurs, je les rappelle toutes.<br />
H me semble d$h que ©es murs, que ces ¥©ûtes<br />
¥ont prendre <strong>la</strong> parole , et} prêts à m'aecosêr,<br />
Atten<strong>de</strong>nt mon époux pour le désabuser.<br />
Mourons : <strong>de</strong> tant d'horreurs qu'un trépas me délivre.<br />
C'est alors qu'OEnone ose risquer <strong>la</strong> proposition<br />
<strong>de</strong> rejeter le erime sur Hippolyte. Phèdre s'écrie :<br />
Mol ! que J'ose opprimer et noircir nnnooenoe !<br />
Là réponse d'OEnone est <strong>de</strong> <strong>la</strong> pins-gran<strong>de</strong><br />
Mon xèle rfa besoin que <strong>de</strong> votre silence.<br />
Tremb<strong>la</strong>nte, comme ¥ous, J'en sens quelque remords.<br />
Vous me verriez plus prompte affronter mUle morts? •<br />
Mais puisque Je tous perds sans ce triste remè<strong>de</strong>,<br />
Votre vie est pour moi d'un prix à qui tout cè<strong>de</strong>. '<br />
Je parlerai. Thésée, aigri par mes a?is t<br />
Bornera sa vengeance à l'exil <strong>de</strong> son fils. .<br />
Un père, en punissant, madame, est toujours père:<br />
On voit que <strong>du</strong> moins elle rassure Phèdre sur<br />
les jours <strong>du</strong> prince. 11 parait dans cet instant avee<br />
Thésée.<br />
P9ËD1IB.<br />
Ah! Je vois HIppolyte:<br />
Dans ses yeux Insolents Je voix ma parte écrite.<br />
Fais ee que te voudras, Je m'abandonne à toi :<br />
Dans le trouble où Je auto, Je se pais rien pour «si<br />
Son épow ?ent se jeter dans ses bras.<br />
Arrêta, Thésée,<br />
Et ne profaaei point <strong>de</strong>s transports si diamants :