la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal
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SIÈCLE DE LOUIS XIV. - POÉSIE,<br />
qu'embellir : ce qui suit estta-<strong>de</strong>ssw <strong>de</strong> tout, et il<br />
ne le doit qn'a lui-même.<br />
Le grand prêtre <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à Joas s'il promet d'observer<br />
les préceptes contenus dais le livre divin.<br />
L'enfant répond :<br />
Povralfr-J® à cette loi ne m® pas conformer?<br />
Alors Joad reprend <strong>la</strong> parole :<br />
O mon ils ! ie ce nom J'ose eneor vont sommer,<br />
Souffre* cette tendresse t et pardonnes aux <strong>la</strong>rmes<br />
Que m'arrachent pour vous <strong>de</strong> trop Justes a<strong>la</strong>rmes.<br />
Loin <strong>du</strong> trône nourri, <strong>de</strong> ce fatal honneur,<br />
Hé<strong>la</strong>s! vous Ignorei le charme empoisonneur.<br />
De l'absolu pouvoir vous ignores l'ivresse,<br />
Et <strong>de</strong>s lâches f<strong>la</strong>tteurs <strong>la</strong> voix enchanteresse :<br />
Bientôt tls vous diront que les plus saisies loto ,<br />
Maîtresses <strong>du</strong> vil peuple, obéissent aux rois;<br />
Qu'un fol n'a d'autre frein que sa volonté même;<br />
Qu'il doit immoler tout à sa gran<strong>de</strong>ur suprême ;<br />
Qu'aux <strong>la</strong>rmes, au travail, le peuple est condamné,<br />
Et d'un sceptre <strong>de</strong> fer veut être gouverné;<br />
Que, s'il n'est opprimé, tôt ou tard 11 opprime.<br />
Ainsi <strong>de</strong> piège en piège, et d'âbtrae eu abîme,<br />
Corrompant <strong>de</strong> vos récuses l'aimable pureté,<br />
Ils vous feront enfin balr <strong>la</strong> vérité;<br />
fous peindront <strong>la</strong> vertu sous une affreuse Image :<br />
Hé<strong>la</strong>s ! ils ont <strong>de</strong>s rois égaré le plus sage.<br />
Promettez sur ce livre, et <strong>de</strong>vant ces témoins,<br />
Que Dieu sera toujours le premier <strong>de</strong> vos soins;<br />
Que, sévère aux méchants, et <strong>de</strong>s bons le refuge,<br />
Entre le pauvre et vous vous prendre! Dieu pour juge ;<br />
Tous souvenant, mon ils, que, caché sous celle,<br />
Comme eus vous fûtes pauvre, et comme eux orphelin.<br />
Et c'est un ministre <strong>de</strong>s autels 9 nui pieds d'un<br />
enfant <strong>de</strong> huit ans , son élève et son roi 9 qui , dans<br />
<strong>la</strong> situation <strong>la</strong> plus périlleuse, quand les moments<br />
sont comptés 9 quand le fer est sur sa tête, s'occupe ,<br />
avant lotit, à retracer ces leçons si gran<strong>de</strong>s et si<br />
simples i que répéterait l'humanité entière v si elle<br />
pouvait ne former qu'un même cri pour se faire entendre<br />
aux arbitres <strong>de</strong>s nations! A-t-on présenté<br />
aux hommes rassemblés un spectacle plus auguste ,<br />
plus instructif et plus touchant ? Joad est sublime 9<br />
et il n'est pas au-<strong>de</strong>ssus d'un enfant! C'est à un enfant<br />
qu'il parle, et il instruit tous les rois! Ce prodige<br />
n'a été réservé qu'à Racine, et je ne pense pas<br />
que jamais rien <strong>de</strong> plus beau soit sorti <strong>de</strong> <strong>la</strong> main<br />
<strong>de</strong>s hommes.<br />
Quand on se souvient que le principe, <strong>de</strong> <strong>la</strong> disgrâce<br />
<strong>de</strong> Racine v et <strong>de</strong>s chagrins qui le con<strong>du</strong>isirent<br />
au tombeau 9 fut un mémoire sur l'état malheureux<br />
<strong>de</strong>s peuples, qu'il eut <strong>la</strong> courageuse impru<strong>de</strong>nce<br />
'<strong>de</strong> confier à une favorite, et dont <strong>la</strong> vérité offensa le<br />
souverain qu'elle n'aurait dû qu'affliger! on reconnaît<br />
que <strong>la</strong> même âme conçut et dicta ce mémoire<br />
patriotique et le morceau que nous venons d'admirer.<br />
L'on comprend qu'un talent supérieur dans les arts<br />
<strong>de</strong> l'imagination est inséparable d'une sensibilité vive<br />
qui le forte iur tous les objets; et l'on a une raison<br />
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<strong>de</strong> plus pur honorer <strong>la</strong> mémoire d'un grand écrivain,<br />
victime <strong>de</strong> cette sensibilité qui pro<strong>du</strong>isit sa<br />
gloire et ses chagrins , ses ehefwfcravre et sa mort:<br />
Le couronnement <strong>de</strong> Joas, les serments qu'on<br />
exige <strong>de</strong> lui f le pouvoir <strong>du</strong> grand prêtre 9 <strong>la</strong> confor*<br />
mité <strong>de</strong> toutes ces circonstances avec ce que nous<br />
savons <strong>de</strong>s anciennes mœurs <strong>de</strong>s Juifs 9 tout contribue<br />
à prouver que Racine a fait <strong>de</strong> Joad ce qu'il <strong>de</strong>*<br />
vait en faire. Joad était le protecteur naturel d'un<br />
roi orphelin eC opprimé , chez une nation qui avait<br />
eu plusieurs fois ses pontifes pour chefs et pour con<strong>du</strong>cteurs<br />
v qui les regardait comme les organes <strong>de</strong>s<br />
volontés <strong>du</strong> ciel, comme <strong>de</strong>s hommes divins9 dont<br />
les rois mêmes <strong>de</strong>vaient écouter <strong>la</strong> voii, parce que<br />
c'était pour eux <strong>la</strong> voix <strong>de</strong> Dieu. Ce n'est donc point,<br />
comme on l'a préten<strong>du</strong> , un espritfaeêkux et entreprenant',<br />
c'est un homme qui remplit les <strong>de</strong>voirs <strong>de</strong><br />
sa p<strong>la</strong>ce ; et 9 si quelque chose est capable <strong>de</strong> les faire<br />
respecter et chérir, c'est <strong>de</strong> mettre au nombre <strong>de</strong> ces<br />
<strong>de</strong>voirs celui <strong>de</strong> p<strong>la</strong>i<strong>de</strong>r <strong>la</strong> cause <strong>de</strong>s peuples au moment<br />
où il leur donne un roi.<br />
-A l'instant même oà Joas est proc<strong>la</strong>mé, le péril<br />
redouble, et le temple est assiégé $ comme on doit<br />
s'y attendre, après que Joad a refusé <strong>de</strong> livrer<br />
l'enfant qu'Athalie <strong>de</strong>mandait.<br />
; . . L'atarin menaçant frémit <strong>de</strong> toutes parts :<br />
On voit luire <strong>de</strong>s feux parmi <strong>de</strong>s étendards ; •<br />
Et sans doute Athalie assemble son armée.,<br />
Déjà même au se<strong>cours</strong> toute voie est fermée;<br />
Déjà le sacré <strong>mont</strong> où te temple est Mti<br />
P<strong>la</strong>soiffirs Tyrtens est partout Investi i<br />
L'un d'eux en b<strong>la</strong>sphémant vient <strong>de</strong> nous faire entendra<br />
Qu'Abner est dans les fers, et ne peut nous défendre.<br />
Joad , au commencement <strong>du</strong> cinquième acte $ voit<br />
avec surprise ce même Abner mis en liberté et envoyé<br />
vers lui par Athalie. On peut s'étonner9 en effet,<br />
qu'elle ait délivré sitôt ce guerrier, dont elle connaît<br />
les sentiments, et dont elle doit se défier; et <strong>de</strong>s<br />
critiques l'ont reproché à Fauteur. On peut le justifier<br />
en disant que <strong>la</strong> reine, suivant toutes les vraisemb<strong>la</strong>nces<br />
i ne doit rien craindre <strong>de</strong> lui ni <strong>de</strong> personne<br />
: elle doit croire ses ennemis dans l'épouvante<br />
et dans l'abandon. On a dit, dès le troisième acte,<br />
que tout avait déserté le temple, excepté les lévites.<br />
Tout a fui, tous se sont séparés sans retour i<br />
Misérable troupeau qu'a dispersé <strong>la</strong> crainte;<br />
Et Dieu n'est plus servi que dans <strong>la</strong> tribu saMie.<br />
Bans cette consternation générale, elle veut tir<br />
rer <strong>de</strong>s mains <strong>de</strong> Joad ces trésors qu'elle croit cachés<br />
dans le temple, et dont on lui a dit que le<br />
grand prêtre seul avait connaissance. Ces trésors<br />
peuvent périr dans <strong>la</strong> <strong>de</strong>straction et le pil<strong>la</strong>ge <strong>du</strong><br />
temple, ou n'être pas découverts ; elle veut se les<br />
assurer ; et, connaissant l'inflexible fermeté <strong>de</strong> Joad f<br />
elle lui envoie l'homme qu'elle croit .le plut eapa-