la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal
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COURS m LITTÉRATU1E.<br />
préten<strong>du</strong>s attiquesfqui en effet al<strong>la</strong>ient trop loin.<br />
L'attieisme consistait principalement dans eue<br />
grao<strong>de</strong> pureté <strong>de</strong> <strong>la</strong>ngage, un entier éloignement<br />
<strong>de</strong> toute affectation, et une certaine simplicité noble<br />
qui <strong>de</strong>vait avoir l'aisance <strong>de</strong> <strong>la</strong> conversation, quoiqu'elle<br />
fût en effet beaucoup plus soutenue et plus<br />
relevée : c'est en ce<strong>la</strong> qu'excel<strong>la</strong>it Démosthènes. Mais<br />
cette simplicité n'excluait point les ornemente naturellement<br />
amenés, comme'le prétendaient ces<br />
critiques trop délicats, qui auraient ren<strong>du</strong> <strong>la</strong> diction<br />
maigre et eue à force <strong>de</strong> <strong>la</strong> rendre simple. Cette<br />
simplicité n'excluait que l'affectation, et jamais Cieéron<br />
n'a rien affecté. Chez loi tout coule <strong>de</strong> source ;<br />
et s'il se paraît pas, au même point que Démosthènes,<br />
s'oublier tout à fait comme- orateur, pour<br />
ne <strong>la</strong>isser voir que l'homme publie, il sait cacher<br />
son art,.et vous ne vous en apercevez que par le<br />
charme que son élocution YOUS fait éprouver.<br />
La gravité <strong>de</strong>s délibérations <strong>du</strong> sénat, nécessairement<br />
différentes <strong>de</strong> celles <strong>du</strong> peuple, toujours un<br />
peu tumultueuses, ne comportait pas d'ordinaire<br />
toute <strong>la</strong> véhémence, toute <strong>la</strong> multiplicité <strong>de</strong> mouvements<br />
qui était nécessaire à Démosthènes pour ixer<br />
l'attention et l'intérêt <strong>de</strong>s Athéniens. Aussi les Mf-<br />
Uppiqms <strong>de</strong> Cicéron soet-elles généralement beaucoup<br />
moins vives que celles <strong>de</strong> l'orateur grec. La<br />
secon<strong>de</strong>, qoi est <strong>la</strong> plus forte <strong>de</strong> toutes, ne fut pas<br />
prononcée. Elle n'est pas <strong>du</strong> même genre que les autres<br />
: c'est une violenté invective contre Antoine,<br />
en réponse à celle que le triumvir avait xomie contre<br />
lui en son absence, au milieu <strong>du</strong> sénat. Dans tes<br />
autres, qui ont pour objet <strong>de</strong> faire déc<strong>la</strong>rer Antoine<br />
ennemi <strong>de</strong> <strong>la</strong> patrie, et d'autoriser Octave à lui faire<br />
<strong>la</strong> guerre, Cicéron n'avait pas, à beaucoup,près,<br />
autant d'obstacles à vaincre que Démosthènes. Le<br />
sénat, au moins en gran<strong>de</strong> partie, était contre Antoine,<br />
et il ne s'agissait guère que <strong>de</strong> diriger ses<br />
mesures, <strong>de</strong> lui inspirer <strong>de</strong> <strong>la</strong> fermeté et <strong>de</strong> <strong>la</strong> résolution,<br />
et <strong>de</strong> le rassurer contre <strong>la</strong> défiance qu'on pouvait<br />
avoir d'Octave. Cicéron lit tout ce qu'il voulut,<br />
et rédigea tous les décrets.<br />
S'il se rapprocha quelquefois, dans les délibérations<br />
<strong>du</strong> sénatf <strong>de</strong> <strong>la</strong> véhémence <strong>de</strong> Démosthènes,<br />
©'est quand il eut en tête <strong>de</strong>s ennemis déc<strong>la</strong>rés, tels<br />
que Catiiina, Clodiua, Pisos, Vatïaius. Il réservait<br />
d'ailleurs les foudres <strong>de</strong> l'éloquence pour les eombats<br />
judiciaires; c'est là qu'il avait <strong>de</strong>vant lui une<br />
carrière proportionnée à l'abondance et If <strong>la</strong> variété<br />
<strong>de</strong> ses moyens; c'est là le triomphe <strong>de</strong> son talent.<br />
Mais, en cette partie même, il diffère <strong>de</strong> Démosthènes,<br />
en ce que celui-ci va toujours droit à l'ennemi,<br />
toujours heurtant et frappant; au lieu que Cicéron<br />
fait, pour ainsi dire, un siège en forme, s'empare<br />
<strong>de</strong> toutes les issues, et se servant <strong>du</strong> dis<strong>cours</strong> comme<br />
d'une arméo, enveloppe son ennemi <strong>de</strong> toutes parts,<br />
jusqu'à ce qu'enfin il l'écrase. Mais, avant d'entrer<br />
dans le détail <strong>de</strong> ses ouvrages, il faut voir ce que<br />
l'éloquence romaine avait été jusqu'à lui.<br />
dEcnoH s, — Des orateurs romains qui eut précédé<br />
Cicéron, et <strong>de</strong>s commencements <strong>de</strong> cet orateur,<br />
Cicéron, dans son Traité <strong>de</strong>s Orateurs célèbres,<br />
où il s'entretient avec Attieus et Brutus, après avoir<br />
parlé <strong>de</strong>s Grecs qui se distinguèrent dans l'éloquence,<br />
<strong>de</strong>puis Périciès jusqu'à Démétrius <strong>de</strong> Phalère,<br />
qui, avec beaucoup <strong>de</strong> mérite, commença pourtant<br />
à faire sentir quelque altération dans <strong>la</strong> pureté <strong>du</strong><br />
goût attique, et marqua le premier <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> <strong>la</strong> déca<strong>de</strong>nce<br />
, vient à ceux <strong>de</strong>s Romains qui » dès les premiers<br />
temps <strong>de</strong> <strong>la</strong> république, s'étaient fait un nom<br />
par le talent <strong>de</strong> <strong>la</strong> parole. Il en trace uoeéoumération<br />
assez éten<strong>du</strong>e pour nous faire comprendre combien<br />
cet art avait été cultivé sans faire <strong>de</strong> progrès<br />
remarquables, jusqu'au temps <strong>de</strong> Caton le Censeur<br />
et jusqu'aux Grecques, les seuls qu'il caractérise <strong>de</strong><br />
manière à <strong>la</strong>isser d'eux une gran<strong>de</strong> idée, non pas<br />
celle <strong>de</strong> <strong>la</strong> perfection ( ils en étaient encore loin )?<br />
mais celle <strong>du</strong> génie qui n'est pas encore guidé par<br />
Fart, ni poli par le goût. La véhémence et le pathétique<br />
étaient le caractère <strong>de</strong>s Greeejues ; <strong>la</strong> gra*<br />
vite et l'énergie, celui <strong>de</strong> Caton : mais tous trois<br />
manquaient encore <strong>de</strong> cette élégance, <strong>de</strong> cette harmonie,<br />
<strong>de</strong> cet art d'arranger les mots et <strong>de</strong> construire<br />
les pério<strong>de</strong>s, toutes choses qui occupent une<br />
si gran<strong>de</strong> p<strong>la</strong>ce dans l'art oratoire, non moins obligé<br />
que <strong>la</strong> poésie <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r l'oreille comme le chemin<br />
<strong>du</strong> cœur. Les Gracques paraissent avoir été <strong>du</strong> nombre<br />
<strong>de</strong> ceux qui furent instruits les premiers*dans<br />
les lettres grecques, que l'on commençait à connaître<br />
dans Rome. L'histoire nous apprend qu'ils <strong>du</strong>rent<br />
cette instruction, alors assez rare, à l'excellente<br />
é<strong>du</strong>cation qu'ils reçurent <strong>de</strong> leur mère Cornélie. Mais<br />
<strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue <strong>la</strong>tine n'était pas encore perfectionnée;<br />
elle ne le fut qu'au septième siècle <strong>de</strong> Rome, à fépoque<br />
où fleurirent Antoine, Oassus, Scevo<strong>la</strong>, Sut»<br />
picius, Colle, que nous avons vus tous jouer un<br />
grand rôle dans les dialogues <strong>de</strong> Cicéron sur l'Qra»<br />
teur. L'éloge qu'il en fait n'est fondé en partie que<br />
sur une tradition qui se conservait facilement parmi<br />
tait d'auditeurs et déjuges; car plusieurs n'avaient<br />
rien écrit, et ceux dont les ouvrages étaient entra<br />
les mains <strong>de</strong> Cicéron n'ont pu échapper à l'injure<br />
<strong>de</strong>s temps. Bous ne les connaissons que par le té*<br />
moignage honorable qu'il leur rend : eu sorte que<br />
toute l'histoire <strong>de</strong> l'éloquence romaine et tous ta<br />
monuments qui nous eji restent sont, pour nous*<br />
renfermés à <strong>la</strong> fois dans les écrits <strong>de</strong> Cicéron.