Espaces coloniaux et société polynésienne de Wallis-Futuna ... - IRD

Ainsi dans certaines îles, des noyaux d'Européens plus ou moins importants se
créèrent dans des zones de relâche de navires. Ces escales foraines où se côtoyaient
baleiniers, trafiquants des Mers du Sud, escrocs, autochtones, étaient des places chaudes
dignes des postes frontières et des traditions de l'ouest américain. A titre d'exemple les
îles Gilbert, avec Butaritari offraient deux "saloons" de la meilleure tradition: 'The land
we live in" et le "Sans souci", l'un réservé à la canaille locale, l'autre de meilleur
maintien: "served ships captains, officers and other aristocrats"... (d'après Stevenson).
Ailleurs les batteurs de grèves fabriquaient l'alcool de "teddy" (cocotier), servaient
d'entremetteurs, recrutaient des équipages de fortune, proposaient des "coups" lucratifs
dans des îles dangereuses où selon leurs dires dormaient des trésors de perles... ou de
santal !
Une partie de la littérature du sud Pacifique a mis en valeur complaisamment les
méfaits propres à ce milieu (certains auteurs estiment qu'il y eut jusqu'à 4000 batteurs de
grèves dans l'ensemble du Pacifique !). Trois griefs fondamentaux leurs sont faits: ils
introduisirent les vices européens avec leurs moeurs dépravées et la prostitution qui
favorisèrent les maladies vénériennes l, ils répandirent la consommation de l'alcool-,
pour faciliter enfin leurs entreprises ils n'hésitèrent pas à vendre des armes à feu3... Ces
censeurs se recommandent souvent du point de vue "vertueux" propre à de nombreux
missionnaires protestants comme catholiques... Souvent, ils s'appuient sur des faits réels
et des situations déplorables, mais ils ont aussi une tendance intéressée à extrapoler à
l'ensemble du Pacifique certains agissements localisés à des îles de grande fréquentation
baleinière et commerciale. Ce fut le cas de celles de Micronésie'[ (Guam - Kusaie -
Ponape - Truk - Butaritari - Apemama) qui en 1844 par exemple auraient vu séjourner
675 baleiniers américains et 16000 marins! Comme le font Maude ou Ralston, on doit
1 cf. Smith H. : The introduction of venerai disease into Tahiti: a re-examination. 1975. .L.E.Ji. pp.
38-45 vol. 10.
2 cf.: Marshall M. et Marshall L.B. : Opening pandora's boule : reconstructing Micronesian's early
contacts with alcoholic baverages. Œ...S.. pp. 441-466 vol. 84 n° 4. 1975.
3 cf.: Shinneberg D. : Guns and men in Melanesia. 1971. UJL. pp. 61·82. vol 6. Qui modère
certainesassertions exagérantle rôle des armesà feu.
4 cf.: Marshall M. et Marshall L.B. : Opening pandora's boule, op Cil
- 443-