Espaces coloniaux et société polynésienne de Wallis-Futuna ... - IRD

transformation ? Aussi, les efforts entrepris depuis 1990 pour retrouver et refaire les
chemins coutumiers entre Wallisiens-Futuniens et les chefferies de Lifou, Ouvéa et de
l'île des Pins, ne sont-ils pas les prémisses de cette autre alternative politique intéressante,
visant à créer une sorte de communauté des insulaires de la périphérie proche? Encore
une fois, nous retrouvons le local, ses éclatements et ses recompositions, c'est-à-dire une
dialectique du mouvement social sur l'espace "territorialisé", de façon à transcender les
impasses d'une fixation bloquée politiquement, en cherchant les points d'appuis
géographiques ailleurs...
Mais le politique n'est qu'un masque du problème de fond de la migration en
Nouvelle-Calédonie qui a eu comme vocation d'abord, de satisfaire les besoins croissants
des secteurs industriels et des services. Pour Wallis-Futuna de 1950 à 1972, la migration
permit le départ de tous les jeunes désirant vivre en Nouvelle-Calédonie. Mais à partir de
1974, la crise économique puis politique, va limiter sensiblement la possibilité d'insertion
des jeunes insulaires. Une crise de la jeunesse en découle, crise multiple, d'identité
culturelle d'une part, d'aspiration contrariée ou refusée à l'entrée de la vie active, d'autre
part. Crise de frustration aussi face au contraste de l'économie de rente ou de transfert qui
abrite ses privilégiés... Pour les jeunes insulaires, ce divorce d'avec les espérances
portées par la migration, la remise en cause de l'enracinement et les contradictions nées de
la déchirure entre deux cultures, l'une traditionnelle mais peu apte à répondre à l'insertion
dans l'économie moderne, l'autre urbaine, monétaire et professionnalisée est aujourd'hui
très préoccupant à l'échelle du Pacifique insulaire comme des pays riches. Dans une
oeuvre littéraire 1 lointaine par rapport à nos préoccupations, toute cette crise est
parfaitement exprimée: "Les jeunes s'irritent parce qu'ils n'ont pas d'argent à dépenser.
Leur vie entière dépend de l'argent et maintenant ils n'en ont plus. Cela est notre
civilisation et notre éducation: éduquer les masses à dépendre intégralement de l'argent à
dépenser, pour qu'ensuite il n'en aient plus"2...
1 Cf.: Lawrence, D.H. - L'amant de Lady Chaterley
2 Crise de la jeunesse qui devient une préoccupation générale grave, propre à toutes les îles-c apitales
d'Océanie.
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