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Ecriture encyclopédique – écriture romanesque - Gustave Flaubert ...

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HILDEGARD HABERL. ECRITURE ENCYCLOPEDIQUE, ECRITURE ROMANESQUEleuses comme l’Océan, pleines de frondaisons, de verdures et de murmurescomme des bois, tristes comme le désert, bleues comme le ciel. Homère,Rabelais, Michel-Ange, Shakespeare, Goethe m’apparaissent impitoyables.(Corr. II, p. 417)Le qualificatif d’impitoyable renvoie à une forme de rigueur scientifique et unefidélité à un objectif de précision. En ce sens l’impassibilité est aussi une formed’endurance, de permanence ou de persistance dans la recherche de l’exactitude, en dépitdes émotions. Mais elle marque évidemment aussi l’absence de jugement moral surce qui est la matière du roman. Le projet d’exactitude doit se dégager des conventionssociales pour atteindre à la forme. Il doit aussi se garder de prendre partie entre des conceptionsdifférentes de la morale. Degoumois avait déjà souligné cet élément comme undes points communs à Goethe et <strong>Flaubert</strong> : ne pas donner de règles de vie, montrer queplusieurs points de vue sont possibles – cf. supra. C’est un choix qui a des conséquencesau niveau narratologique comme au niveau de la mise en texte. Une autre leçon deGoethe est en ce sens pour <strong>Flaubert</strong> le fait de ne pas conclure ou de ne pas avoir le derniermot :Aucun grand génie n’a conclu et aucun grand livre ne conclut, parce quel’humanité elle-même est toujours en marche et qu’elle ne conclut pas. Homèrene conclut pas, ni Shakespeare, ni Goethe, ni la Bible elle-même.(<strong>Flaubert</strong> à Mlle Leroyer de Chantepie, 18 mai 1857, Corr. II, p. 718)Cette discussion sur l’impassibilité s’inscrit ainsi dans une évolution du texte littérairevers une autonomie croissante. Si, dans leurs entretiens et échanges de la fin duXVIII e siècle, Goethe et Schiller commencent à parler la littérature comme d’un art autonomeet dégagé de toute idée d’utilité, dans la deuxième moitié du XIX e siècle lemouvement de l’art pour l’art marque l’aboutissement de ce mouvement. Ainsi on peutdire que Werther et plus explicitement encore Madame Bovary marquent une évolutionde la littérature « moderne » vers l’autonomie de l’œuvre d’art qui donne aux lecteurs laresponsabilité de juger et sépare clairement l’œuvre – le narrateur – de l’auteur 1 . <strong>Flaubert</strong>trouve chez Goethe une attitude face à l’art qui lui correspond ainsi qu’un souci de1 Dagmar Giersberg a déjà vu Werther et Madame Bovary comme deux moments importants dans cetteévolution vers l’autonomie de l’art. Cf. Ibid., p. 218 sq.198

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