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Ecriture encyclopédique – écriture romanesque - Gustave Flaubert ...

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CHAPITRE IV.DES LIEUX DU SAVOIRUne vieille poutre de bois se dressait dans le vestibule. Les spécimens degéologie encombraient l’escalier ; - et une chaîne énorme s’étendait par terretout le long du corridor. […]Quand on avait franchi le seuil on se heurtait à une auge de pierre (un sarcophagegallo-romain) puis, les yeux étaient frappés par de la quincaillerie.Contre le mur en face, une bassinoire dominait deux chenets et une plaquede foyer, qui représentait un moine caressant une bergère. Sur des planchettestout autour, on voyait des flambeaux, des serrures, des boulons, desécrous. Le sol disparaissait sous des tessons de tuiles rouges. Une table aumilieu exhibait les curiosités les plus rares : la carcasse d’un bonnet de Cauchoise,deux urnes d’argile, des médailles, une fiole de verre opalin. Un fauteuilen tapisserie avait sur son dossier un triangle de guipure. Un morceaude cotte de mailles ornait la cloison à droite ; et en dessous, des pointesmaintenaient horizontalement une hallebarde, pièce unique.La seconde chambre, où l’on descendait par deux marches, renfermait lesanciens livres apportés de Paris, et ceux qu’en arrivant ils avaient découvertsdans une armoire. Les vantaux en étaient retirés. Ils l’appelaient la bibliothèque.L’arbre généalogique de la famille Croixmare occupait seul tout le revers dela porte. (BP, p. 164)Dietrich Scholler constate à juste titre que ce pêle-mêle d’objets sans liens lesuns avec les autres ne reflète aucun sens de l’ordre 1 . La description minutieuse du désordreexprime de surcroît très bien l’ambivalence du texte de <strong>Flaubert</strong>, qui d’un côtécherche une scientificité dans l’exactitude de la description et de l’autre fait la démonstrationde l’aporie de la volonté de savoir et de classer. Franc Schuerewegen va dans lemême sens en soulignant que « se donne à lire ici la faillite d’une conception de la totalitéqui pourtant s’était avérée efficace lors de la première moitié du siècle. L’échec descollectionneurs enseigne que le tout, désormais, n’est plus la bonne mesure pour penserle réel qui, lui aussi, semble s’être réduit en miettes ». 2 Ce roman est donc bien le « diagnosticd’une impossible totalisation » 3 . Malgré la chaîne énorme par terre dans le corridor,on pense moins à l’enchaînement possible des choses qu’à « l’absurdité de touteopération d’enchaînement » 4 .1 Cf. Scholler, ""Mais on ne voit chez vous que des choses lugubres!" - Enzyklopädische Sichtbarkeit in<strong>Flaubert</strong>s Bouvard et Pécuchet", ici p. 49.2 Schuerewegen, "Muséum ou Croutéum? Pons, Bouvard, Pécuchet et la collection"ici p. 44.3 Cf. Ibid., p. 47.4 Ibid., p. 43.283

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