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La Dialectique aristotélicienne, les principes clés des Topiques ...

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Yvan Pelletier<br />

avec cette réserve-ci ou cette réserve-là”. En somme, dans la situation la plus<br />

naturelle, deux interlocuteurs vont collaborer pour répondre plus efficacement<br />

à deux besoins indispensab<strong>les</strong>, mais irréductib<strong>les</strong> : l’abondance <strong>des</strong> propositions<br />

et leur endoxalité ; et chacun prendra plus proprement la responsabilité<br />

de satisfaire à l’une de ces deux nécessités 348 . De cette façon, toute<br />

argumentation dialectique est radicalement dialogique, car elle implique toujours<br />

ces deux opérations : il n’y a pas de mouvement dialectique concevable<br />

sans cette demande, qui amène un énoncé à l’attention de la raison, et cette<br />

réponse, qui le lui fait adopter, ou récuser, comme fondement pour sa<br />

démarche. C’est là, toutefois, une chose régulièrement méconnue 349. On<br />

méjuge de toutes manières le répondeur dans un dialogue ; c’est qu’il est bien<br />

difficile de distinguer son rôle véritable, tout entier voué à l’appréciation du<br />

caractère endoxal <strong>des</strong> propositions suggérées, de ce à quoi il ressemble<br />

extérieurement : un avis d’autorité sur la vérité ou sur la fausseté de ces<br />

propositions, comme si elle était connue. Bref, par plusieurs aspects, le<br />

répondeur ressemble extérieurement au sophiste : 1º Le répondeur juge, et<br />

juger est proprement l’acte de celui qui sait ; or le répondeur ne sait pas, il<br />

entre en dialogue justement pour sortir de son ignorance ; mais, en jugeant,<br />

même si c’est de l’endoxalité qu’il juge et non de la vérité, il paraît agir<br />

comme s’il savait. 2º Plus spécifiquement, se référer à l’opinion commune<br />

paraît impliquer que l’on connaisse l’opinion commune. Or d’où et comment<br />

348À cette racine du dialogue, ancrée dans la nature <strong>des</strong> opérations obligées par la matière<br />

endoxale, on peut bien sûr ajouter cette considération plus superficielle, mais non<br />

négligeable, où beaucoup voient cependant la première source de la nécessité d’être deux à<br />

investiguer : on est plus critique à deux, on se satisfait moins facilement de prémisses<br />

insuffisantes. « L’esprit mis en mouvement et livré à soi seul ne se refuse rien. » (Valéry,<br />

Variétés, IV, 44)<br />

349Le Blond, ne pouvant concevoir justement l’endoxal absolu, ne peut imaginer<br />

l’interrogation dialectique qu’en rapport à la mise à l’épreuve de l’interlocuteur. Aussi<br />

n’est-il pas étonnant qu’il paraisse plus sincère en méprisant qu’en magnifiant la place de<br />

l’interrogation. « Cette insistance d’Aristote sur l’interrogation manifeste le caractère<br />

formel de la dialectique… Mais est-ce là toute la dialectique ? Consiste-t-elle uniquement<br />

dans une méthode d’épreuve ?… Nous ne croyons donc pas que <strong>les</strong> remarques d’Aristote<br />

sur l’interrogation révèlent le côté le plus original de sa méthode dialectique, et el<strong>les</strong> ne<br />

doivent pas conduire à en faire rétrécir la notion à celle d’un art de la conversation ou de<br />

l’épreuve. » (Le Blond, 24-25)<br />

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