La Dialectique aristotélicienne, les principes clés des Topiques ...

Yvan Pelletier
dès qu’un attribut est fréquemment discuté, il devient profitable d’élaborer
une méthode de lieux propres à le conclure. On met souvent en question, par
exemple, la possibilité d’une chose : la vie après la mort est-elle possible ?
est-il possible d’être en même temps philosophe et politicien ? une guerre
peut-elle être juste ? Des lieux propres du possible et de l’impossible auront
donc leur utilité. Les Topiques n’y consacrent pas une place spéciale, mais le
dialecticien peut les lire dans la Rhétorique, car l’orateur en a un besoin plus
pressant. Ainsi :
S’il est possible que le contraire soit ou ait été, son contraire aussi donnera
l’impression d’être possible. 1149 — Si le semblable est possible, son
semblable aussi. 1150 — Si le plus difficile est possible, le plus facile
aussi. 1151
À la limite, la fréquence de discussion d’un problème déterminé due à
des facteurs plus personnels justifiera encore une méthode spéciale. Le critique
d’art, par exemple, aura souvent à montrer qu’une œuvre est belle, et le
législateur, qu’une loi est juste. Aussi auront-ils intérêt à posséder les lieux
propres du beau et du juste. Mais une méthode comme les Topiques, qui
équipe le dialecticien pour affronter « tout problème proposé » 1152, ne peut
pas descendre à cette précision pour tout problème particulier. Le nombre en
est tel qu’on encourrait inévitablement le reproche de Quintilien :
La nature des choses ne souffre pas qu’on suive une à une ses espèces ; ceux
qui s’y sont essayés sont tombés également dans l’inconvénient d’en dire trop
et de ne pas tout dire. 1153
Une méthode générale n’accordera à un genre déterminé de problèmes
ce traitement à part, qui consiste à en énumérer les lieux propres, que pour
autant qu’il jouit d’une haute fréquence de discussion dans la vie intellectuelle
de tous.
1149 Rhét., II, 19, 1392a9-10.
1150 Ibid., 1392a12.
1151 Ibid., 1392a12.
1152 Top., I, 1, 100a2.
1153 Quintilien, Inst. orat., V, 10.
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