La Dialectique aristotélicienne, les principes clés des Topiques ...

Yvan Pelletier
et la demande d’une position à investiguer plutôt qu’un objet d’adhésion
immédiate. Il faut avoir ces distinctions à l’esprit pour trouver éclairante la
présentation qu’en fait saint Albert et ne pas en être conduit à la confusion
écartée plus haut, dans laquelle le demandeur, en tant même que demandeur,
aurait déjà répondu à sa demande. Le demandeur ne fixe pas lui-même la
contradictoire pour laquelle optera le répondeur ; sans doute, l’utilité de
l’attaque projetée lui suggère une préférence, mais, en proposant, il demande
au répondeur à quoi il consent. Tandis qu’en soulevant un problème, il
demande au répondeur de fixer la cible de leur attaque commune, sans qu’il
ait à y consentir comme plus sensée puisque, justement, elle fait problème.
Si je dis : « Admets-tu cette énonciation, que l’animal terrestre bipède est la
définition de l'homme ou non ? » Et si je dis : « Admets-tu que l’animal est le
genre de l’homme ou non ? », cela devient une proposition. Car la marque interrogative
ne porte pas sur la composition de la proposition, mais attend le
consentement du répondant, comme si l’on disait : « “Animal terrestre bipède
est la définition de l’homme”, admets-tu que cela est vrai ou non ? “Animal
est le genre de l’homme”, admets-tu cela ou non ? » Et ainsi de suite. La proposition
dialectique, en effet, demande le consentement du répondant… Si,
par contre, je demande : « La définition de l’homme est-elle animal terrestre
bipède, ou non ? », de telle sorte que la marque interrogative porte sur la
composition de l’attribut avec le sujet, et demande si l’attribut appartient au
sujet ou non, alors il s’agit d’un problème dialectique ou d’une question. C’est
comme si l’on demandait : “Est-ce que cet attribut : animal terrestre bipède,
appartient à ce sujet comme une définition, ou non ?”, de sorte que la marque
interrogative questionne à la fois l’inhérence et le mode d’inhérence impliqué
dans tel ou tel attribut. 1127
Certaines expressions d’Alexandre éclairent bien aussi la distinction : il
appelle la proposition une Û et le problème une
Û : « La proposition est la demande d’une réponse 1128 sur l’une des
parties de la contradiction, tandis que le problème n’est pas la demande d’une
1127 S. Albert, In I Topic., tr. 2, c. 1. Voir aussi c. 2.
1128 La demande qu’on réponde d’une contradictoire.
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