La Dialectique aristotélicienne, les principes clés des Topiques ...

Yvan Pelletier
Pourquoi, maintenant, l’ordre dans lequel Aristote énumère les instruments
est-il différent de celui de leur élaboration naturelle ? C’est qu’Aristote
présente une méthode, non un exposé purement théorique. Son ordre est celui
de l’utilité dialectique. Le premier instrument est à ce point la racine de la
possession des données endoxales que sa place ne peut être qu’en premier.
Privé absolument d’endoxes, le dialecticien n’a rien à dire. Le besoin qui
s’impose ensuite à lui, c’est de ne pas s’engager dans des discussions stériles,
où les deux interlocuteurs aient l’impression seulement de discuter, alors que,
de fait, ils monologuent chacun sur un sujet différent ou sur un attribut
différent d’un même sujet. Le deuxième instrument trouve donc tout de suite
son utilité, antérieurement, pourrait-on dire, à la discussion comme telle.
Enfin, le dialecticien demande aux troisième et quatrième instruments les
propositions les plus appropriées à la discussion. Car la discussion vise à
s’approcher de la nature des choses discutées et de leur définition. Or, en
cela, la différence dernière est la plus difficile à atteindre, et l’on doit
s’attendre que sur elle convergeront les plus grands efforts ; de plus, le
dialecticien est naturellement agressif, sentant d’instinct qu’il est plus facile
de mettre à jour le faux et le paradoxe que leurs opposés : ceux-ci ne
demandent qu’une différence entre attribut et sujet, tandis que le vrai et
l’endoxe exigent un accord en tous points entre les choses assimilées. Aussi
le dialecticien recourra-t-il davantage et plus volontiers au troisième qu’au
quatrième instrument.
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