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La Dialectique aristotélicienne, les principes clés des Topiques ...

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Yvan Pelletier<br />

tout à fait extérieur ? Car l’élément, c’est la matière ultime d’un composé ;<br />

c’est ce dont, en premier, se compose une chose. Et cela, selon la définition<br />

même d’Aristote : « Il est commun à tous [<strong>les</strong> sens du mot] que l’élément de<br />

chaque chose soit ce qui existe en premier en elle. » 921 Il y a donc de quoi<br />

s’étonner à lire, dans la Physique, que le lieu ne saurait être « ni élément, ni<br />

formé à partir d’éléments » 922 et, dans la Rhétorique : « C’est la même chose<br />

que j’appelle élément et lieu. » 923 L’explication doit d’abord rappeler que si<br />

c’est en raison d’une analogie très étroite que le lieu dialectique est dit lieu,<br />

c’est tout de même en raison d’une analogie, non en raison d’une parfaite<br />

identité d’essence. Lieu naturel et lieu dialectique ont <strong>des</strong> affinités, mais sont,<br />

en définitive, d’essences différentes et ne se comparent pas comme <strong>les</strong> deux<br />

espèces d’un genre unique. Bref, le lieu dialectique n’a pas tout du lieu naturel<br />

; cela rend possible de le nommer lieu en raison de leurs affinités, tout en<br />

lui donnant, à cause d’aspects qu’il ne partage pas avec le lieu naturel, <strong>des</strong><br />

noms qui répugnent à ce dernier. D’où celui d’élément. Là encore, une analogie<br />

motive le choix du nom : le lieu dialectique n’est pas strictement un élément<br />

et ne répond pas à la définition stricte d’un élément 924. Le lieu n’est<br />

aucun <strong>des</strong> termes ni aucune <strong>des</strong> propositions qui apparaissent dans l’argument<br />

: il est extérieur à tout cela, et c’est par quoi il ressemble au lieu naturel.<br />

Mais, chose remarquable par ailleurs, l’affinité d’attribution que nous appelons<br />

lieu dialectique est — et en cela elle diffère du lieu naturel — le fondement<br />

intrinsèque dernier de l’argument. C’est l’élément ultime en lequel on<br />

peut résoudre toute la force de l’argument. L’analyse ne peut pas aller plus<br />

loin : telle propriété commune <strong>des</strong> contraires, ou de la définition, ou <strong>des</strong> semblab<strong>les</strong>,<br />

en garantissant le dici de omni, assure à l’argument son élément pre-<br />

921Mét., V, 3, 1014b14-15.<br />

922Phys., IV, 1, 209a14 : « – Ï – Û. »<br />

923Rhét., II, 26, 1403a16. Le mot revient aussi à quelques reprises dans <strong>les</strong><br />

<strong>Topiques</strong> (voir IV, 1, 121b11 ; 6, 128a22 ; VI, 5, 143a13 ; 14, 151b18).<br />

924Comme à propos du mot lieu, on peut s’aider, pour bien cerner l’analogie impliquée<br />

par élément, d’extensions voisines qu’Aristote et ses contemporains ont faites : élément de<br />

l’échange, élément de la géométrie, etc. (voir De Pater, Les <strong>Topiques</strong>…, 110ss.) Ces extensions<br />

parentes du mot élément peuvent assister à saisir son application au lieu dialectique,<br />

mais il ne faut pas céder à la tentation de s’y rabattre comme à une explication ultime.<br />

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