La Dialectique aristotélicienne, les principes clés des Topiques ...

La dialectique aristotélicienne
portance de cette opération dans l’ensemble de l’activité dialectique : pas une
fin, mais un moyen indispensable.
Théoriquement, on peut attendre de se trouver sur le champ de bataille,
en présence d’un problème, pour mettre l’instrument en œuvre. On doit
d’ailleurs en être capable : si un problème inattendu est proposé, on doit surle-champ
imaginer une foule d’énoncés concernant ses termes et discerner
ceux qui sont assez endoxaux pour fonder la discussion. Là n’est pas, toutefois,
la situation idéale. Le dialecticien s’assimile alors au soldat surpris dans
une embuscade, sans ses armes ; aguerri, il use de tout ce que le hasard a
laissé à sa portée et que son expérience peut convertir en armes. Mais le sens
militaire veut raréfier ces conjonctures précaires ; expérience et art préviennent
les attaques les plus fréquentes et munissent des armes appropriées.
Le dialecticien doué développe spontanément une vigilance comparable et est
sans cesse attentif à discerner et à garder, sur n’importe quel sujet, l’endoxe
où résident les éléments d’une éventuelle attaque.
La méthodologie du premier instrument est un ensemble de règles qui disent
comment trouver, ordonner et amplifier des renseignements matériels sur tout
sujet possible de discussion 1058.
Ainsi préparé, le dialecticien dispose effectivement de son instrument. Il
possède toujours, ou du moins le plus souvent, le matériau de ses arguments.
Il lui reste, sur place, à choisir adéquatement, dans son arsenal endoxal, les
propositions pertinentes au problème proposé.
Plus on est attentif à se munir d’avance de matière probable, mieux on
arrive à se constituer comme un entrepôt d’où tirer ses principes d’argumentation.
Mais la matière entreposée ne sera utilisable que s’il s’y trouve un
ordre. Il faut être en mesure de trouver vite et sans effort, les propositions
dont on a besoin au moment d’argumenter, ce qui exige d’avoir ordonné et
classifié à mesure les endoxes recueillis. Sans cet ordre, on est aussi déconcerté
que dans une dépense où tous les aliments ont perdu l’étiquette qui les
identifiait. On a peut-être tous les ingrédients requis, mais on reste incapable
d’en user sans un grand gaspillage de temps et d’efforts. On n’évitera l’obli-
1058De Pater, Les Topiques…, 154.
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