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La Dialectique aristotélicienne, les principes clés des Topiques ...

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<strong>La</strong> dialectique <strong>aristotélicienne</strong><br />

Corollaire paradoxal encore : l’exercice produit son effet tout aussi bien, et<br />

souvent mieux, si l’opération exercée n’atteint ni n’espère atteindre son terme<br />

naturel ; et, si même elle l’atteint, il y a grande chance qu’on y reste indifférent<br />

et qu’on ne s’en aperçoive pas. De même encore, celui qui s’exerce se<br />

préoccupe peu du point de départ. C’est le grand avantage d’un lieu d’exercice<br />

que <strong>les</strong> choses y soient disposées de façon qu’on puisse mettre toute sa<br />

concentration et son énergie sur l’opération à exercer, sans avoir à s’inquiéter<br />

<strong>des</strong> opérations naturellement antérieures. Une école d’alpinisme pourra fabriquer<br />

un mont artificiel pour que <strong>les</strong> choses se présentent ainsi.<br />

<strong>La</strong> dialectique incarne à un haut point cette gratuité, ce détachement, en<br />

ce qui concerne la fin et <strong>les</strong> <strong>principes</strong> naturels de l’activité rationnelle. C’est<br />

pourquoi on est obligé d’admettre que, comme opération, elle constitue par<br />

nature un merveilleux exercice pour la raison ; ou, pour dire la même chose,<br />

mais sous l’angle précis où se place Aristote, il va de soi que la dialectique, à<br />

titre de méthode ou de puissance, trouve sa première utilité dans l’exercice de<br />

la raison 255. L’opération dialectique, comparée à la démonstration<br />

scientifique, revêt en effet toute la gratuité d’un exercice. Le démonstrateur<br />

fait, lui, quelque chose de sérieux, il ne parle toujours que pour dire la vérité,<br />

et la vérité la plus nécessaire, la plus rigoureuse, la plus assurée. Jamais,<br />

comme démonstrateur, il ne dit une chose qu’il lui faudrait retirer ensuite<br />

parce qu’elle ne conduirait pas la raison à son bien propre, la vérité, et la<br />

vérité connue comme telle. Ce n’est pas le cas du dialecticien. Lié ni par une<br />

contradictoire ni par l’autre, celui-ci conjecture, s’essaie de toutes <strong>les</strong> façons à<br />

conclure, retire <strong>des</strong> propositions, retourne l’affaire dans toutes <strong>les</strong> directions<br />

et ne termine jamais son activité avec l’assurance définitive d’avoir atteint la<br />

vérité. « Sistitur in ipsa inquisitione. » 256 Par essence, la discussion est<br />

toujours à reprendre, elle laisse nécessairement ses protagonistes avec la<br />

crainte que ce ne soit l’opposé de la conclusion atteinte qui se conforme le<br />

mieux à la réalité. Aussi n’a-t-on jamais fini de discuter, comme on n’a jamais<br />

fini de s’exercer. En somme, en contexte dialectique comme en n’importe<br />

quelle situation d’exercice, la fin prochaine n’est pas le bien le plus propre et<br />

255Voir Top., I, 2 .<br />

256Voir s. Thomas, In Boet. de Trin., q. 6, a. 1, c. : « Il s’arrête en pleine investigation. »<br />

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