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La Dialectique aristotélicienne, les principes clés des Topiques ...

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A) <strong>La</strong> dialectique, une puissance<br />

Yvan Pelletier<br />

Des matières et <strong>des</strong> opérations aussi complètement distinctes commandent<br />

inévitablement l’exercice de puissances très différentes. <strong>La</strong> même<br />

qualité, radicalement, ne peut habiliter la raison à se mouvoir de <strong>principes</strong><br />

endoxaux et de <strong>principes</strong> évidents, de <strong>principes</strong> seulement rationnels et de<br />

<strong>principes</strong> vrais, propres, nécessaires et perçus comme tels. Cette différence se<br />

maintient jusque dans la science dont l’objet ressemble le plus par son extension<br />

à celui de la dialectique : la philosophie première, compétente elle aussi<br />

pour tout l’être. Même la philosophie, affirme Aristote, « diffère de la dialectique<br />

par le style (ı) de la puissance » 217 dont elle procède. Cette profonde<br />

différence de puissances se devine déjà dans le nom qu’el<strong>les</strong> inspirent.<br />

<strong>La</strong> philosophie et la science, en effet, inscrivent dans leur nom même l’orientation<br />

déterminée de leur style de puissance vers la représentation exacte de la<br />

réalité. <strong>La</strong> dialectique, quant à elle, dit, par son nom, que la puissance dont<br />

elle est issue s’actualise plus naturellement dans un dialogue que dans un<br />

savoir, et qu’elle est déjà en acte du moment qu’on parle, même si on ne sait<br />

pas. En approfondissant, au chapitre suivant, le rapport entre la dialectique et<br />

le dialogue, on verra mieux comment le nom de dialectique révèle profondément<br />

la qualité qu’il nomme. Mais on peut déjà retenir qu’Aristote est assez<br />

frappé par l’éloignement de la dialectique, et de la rhétorique, « son rejeton<br />

» 218, « sa partie et sa pareille » 219, d’avec la science pour nommer et<br />

définir ces qualités par l’acte de dialoguer et de parler 220, plutôt que par celui<br />

de savoir.<br />

217Métap., , 2, 1004b24.<br />

218Voir Rhét., I, 2, 1356a25 : « ∑ Ó . »<br />

219Voir ibid., 1356a30 : « ıı Ú ¡Û. »<br />

220« m. apte à parler (Il. 9, 443…) ; le terme usuel est celui qui parle en<br />

public, d’où orateur à l’assemblée. » (Chantraine, 326) On peut relever, chez Platon par<br />

exemple, <strong>des</strong> expressions qui illustrent bien cette propension naturelle du dialecticien à<br />

porter son attention davantage sur <strong>les</strong> mots (et sur <strong>les</strong> concepts qu’ils désignent) que sur <strong>les</strong><br />

choses mêmes et leur vérité, un peu comme le calculateur prête bien plus d’attention aux<br />

symbo<strong>les</strong> qu’il manipule qu’aux quantités réel<strong>les</strong> qu’el<strong>les</strong> remplacent. Ainsi Robinson<br />

(Plato's Earlier Dialectic, 77) rapporte que pour Platon « the dialectician is the user of<br />

78

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