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La Dialectique aristotélicienne, les principes clés des Topiques ...

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Yvan Pelletier<br />

bien sûr, quand on sous-estime assez la difficulté de la démonstration scientifique<br />

pour, comme j’y ai fait allusion déjà 388, y voir l’affaire d’une simple<br />

décision, d’une bonne volonté qui nécessiterait seulement qu’on sache en<br />

général comment démontrer. On croit alors que la démonstration proprement<br />

dite occupe tout le temps consacré à l’étude par le philosophe ; on cherche<br />

ensuite, pour sauver la dialectique, comment elle pourrait s’intégrer à la<br />

production de la démonstration même ; et l’on croit qu’Aristote la méprise,<br />

chaque fois que, pour la distinguer de la science, il souligne la nécessité où<br />

elle se trouve de demander ses <strong>principes</strong>. C’est dans cet esprit qu’on peut<br />

comprendre ces propos désenchantés de Brunschwig:<br />

Le dialogue ne semble pas être, pour Aristote, au cœur de la vocation de<br />

l’animal raisonnable ; gagner l’assentiment de l’autre n’est en principe ni la<br />

fin suprême de la pensée, ni même le moyen privilégié d’atteindre cette fin ;<br />

l’accord de l’interlocuteur n’est pas pour elle la condition d’un progrès, mais<br />

le risque, peut-être inévitable, d’un freinage. En se mettant en situation de dialogue,<br />

l’esprit substitue la juridiction <strong>des</strong> hommes à la juridiction <strong>des</strong> choses,<br />

la question « que t’en semble ? » à la question « qu’en est-il ? ». En sollicitant<br />

l’approbation d’autrui, il s’est mis en posture de ne rien pouvoir faire sans<br />

l’avoir obtenue, le oui et le non n’ont désormais plus pour lui le sens du vrai et<br />

du faux, mais celui de l’accepté et du refusé. Il est entré dans le règne hétéronome<br />

de l’opinion. 389<br />

<strong>La</strong> dialectique est donc fondamentalement , sceptique. Cette<br />

assertion signifie à la fois que, par essence, elle est parfaitement capable d’investiguer,<br />

de mener une recherche sur quelque problème que ce soit, et<br />

en pleine investigation (sistitur in ipsa inquisitione), à savoir quand, pour l’investigateur,<br />

reste encore ouverte une voie aux deux parties de la contradictoire, — et cela arrive quand<br />

on procède par <strong>des</strong> raisons probab<strong>les</strong>, qui sont de nature à produire opinion ou croyance,<br />

mais non science — alors, on parle de processus rationnel, par opposition avec la<br />

démonstration. Et on peut procéder rationnellement de cette façon en n’importe quelle<br />

science, de manière, à partir <strong>des</strong> conceptions probab<strong>les</strong>, à préparer la voie aux conclusions<br />

nécessaires. » (S. Thomas, In Boetii de Trinitate, q. 6, a. 1, c. ; c’est moi qui souligne).<br />

388Voir supra, 35, 56, 105. Brunschwig apporte à l’appui quatre passages d’Aristote :<br />

Top., VIII, 1, 155b10-16 ; Réf. soph., 10, 171a38 à 11, 171b2 ; Prem. Anal., I, 1, 24a22-25 ;<br />

Sec. Anal., I, 11, 77a32-33 ; et chacun de ces textes, effectivement, ne fait que souligner<br />

l’aspect demanderesse de la dialectique.<br />

389Brunschwig, xi.<br />

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