La Dialectique aristotélicienne, les principes clés des Topiques ...

Yvan Pelletier
l’hypocrisie est un grand mal. Ou « qu’être tempérant est bon, car être intempérant
est mauvais » 1208. Lorsqu’il est ainsi appliqué à la conclusion
qu’une chose est bonne, peut-on remarquer à la fin, ce lieu commande toujours
deux termes déterminés : le bien, attribut dans la conclusion, et le mal,
son contraire, intervenant dans les prémisses. Le sachant, en face de la position
qu’il est bon de pardonner, on n’aura plus à découvrir l’attaque de loin, à
partir du lieu commun que le contraire de l’attribut s’attribue au contraire du
sujet. La découverte pourra procéder directement de son application concrète
: « Ce dont le contraire est mauvais, cela est bon. » 1209 De la même façon,
au lieu de recourir, le cas échéant, à un lieu de la définition pris abstraitement,
on se tournera vers la contraction de ce lieu à telle ou telle définition
du bien, en partant, par exemple, de ceci que « le bien, c’est … ce que toutes
choses convoitent » 1210. Et ainsi de suite pour tous les lieux. C’est de ce type
de lieux plus incarnés qu’est constituée la partie principale de la méthode
rhétorique d’Aristote. Après avoir déterminé, en effet, les attributs qui réduisent
à des genres les conclusions oratoires (l’utile et le nuisible, le juste et
l’injuste, le beau et le laid), Aristote énumère minutieusement les divers lieux
appropriés à inférer l’un ou l’autre 1211. Ainsi, en appréhendant, dans son
application à la question de la beauté morale d’un acte, ce même lieu du
contraire, Aristote énonce, avec bien d’autres, l’espèce suivante : « Est beau
… le contraire de ce dont on a honte, car, en parole, en action et en intention,
c’est du laid qu’on a honte. » 1212 Orienté par cette espèce, l’orateur qui
examine s’il est beau de sacrifier sa vie pour sauver celle de son enfant n’a
1208Voir Rhét., II, 23, 1397a10.
1209Rhét., I, 6, 1362b30. Protocole : vérifier si le contraire du pardon est bon ; réponse :
oui, punir est bon. Détruire la position. En somme, une fois en possession de l’espèce, on a
déjà, accomplie d’avance, la moitié de la vérification endoxale commandée par le lieu,
l’autre moitié ne pouvant se faire qu’en présence de chaque problème numériquement différent.
De là, l’avantage, la rapidité de l’argumentation découverte au moyen les espèces.
1210Rhét., I, 6, 1362a23.
1211Voir Rhét., I, 5 à 14 et II, 1 à 19. Aussi Véraquin, Les principes de la découverte
oratoire, 109-114 et 123-134.
1212Rhét., I, 9, 1367a6-8.
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