La Dialectique aristotélicienne, les principes clés des Topiques ...

Yvan Pelletier
l’ “espèce”. Le lieu exprime ainsi la structure entière de l’argument, car il décrit
succinctement la tournure que prendront les deux prémisses et la conclusion.
Ainsi, la maxime précédente fait choisir une prémisse affirmant telle
chose comme le genre d’une autre, comme cet énoncé : le courage est une
vertu ; puis une deuxième donnant comme probable quelque attribut du genre,
disons : la vertu s’acquiert par l’exercice ; car, de ces prémisses, il s’ensuit
rigoureusement, dit la maxime, que cet attribut du genre appartient aussi à
l’espèce : le courage s’acquiert par l’exercice. Manifestement donc, le lieu,
s’il peut être appelé proposition, ne s’identifie aucunement à la prémisse,
partie intégrante de l’argument, pas plus que le principe de non-contradiction,
lui aussi présupposé à tout argument et énonçable sous forme de proposition
ou de maxime, n’entre dans sa constitution matérielle.
On aurait évité ce glissement si l’on avait compris que la maxime, en
tant que description d’un modèle d’argument, n’est que la ‘formulation’ du
lieu et non le lieu lui-même. Car le lieu, strictement, n’est pas plus maxime ou
proposition que l’homme réel n’est concept ou espèce. De même que
l’homme n’est espèce qu’au sens où la raison, en se le représentant, forme
nécessairement un concept affecté de ces propriétés rationnelles que l’on
désigne sous le nom d’espèce, de même le lieu n’est une maxime ou une
proposition qu’au sens où le logicien, prenant conscience du lieu, doit formuler
une maxime ou une proposition pour se le représenter et l’exprimer clairement.
En réalité, l’homme est un animal de chair et d’os, et le lieu est une
affinité ou une répugnance d’attribution entre concepts.
2. Le lieu comme genre ou différence
La maxime a l’avantage de présenter brièvement le lieu. Mais énumérer
tous les lieux sous cette forme, tâche fastidieuse, présenterait peu d’intérêt
comme méthode dialectique. Ce serait une entreprise quasi infinie, tant sont
indénombrables les propriétés des relations logiques ouvrant sur une inférence
entre les termes auxquelles elles conviennent. Or, si une maxime fait
tenir en peu de mots un lieu, une infinité de maximes fait très lourd. De plus,
une méthode se doit de présenter de manière plus accessible la façon et les
circonstances où il peut être fait usage de chaque lieu qu’elle enseigne. La
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