La Dialectique aristotélicienne, les principes clés des Topiques ...

Yvan Pelletier
semblables et de leurs opposés. L’investigation est impensable sans ce discernement
préalable, et sans l’accès à ses résultats dans une mémoire ordonnée.
Le guide de cette opération instrumentale occupe une place discrète dans
les Topiques ; malgré son importance, ce que peut en dire le logicien se réduit
à peu de chose. Le travail principal revient au chercheur lui-même qui, sans
jamais finir de recueillir et d’ordonner les endoxes, applique les principes de
classification sur lesquels le logicien attire son attention. On ne s’étonnera pas
de retrouver, comme équerre et règle de l’appréciation des propositions, la
hiérarchie endoxale : « On doit choisir les propositions en autant de manières
qu’on a effectué de distinctions à propos de la proposition, c’est-à-dire avoir
en main les endoxes de tous, ceux de la plupart ou ceux des sages… » 1219
Mais on s’intéressera surtout, ici, aux indications subséquentes sur la façon la
plus convenable d’ordonner les propositions jugées endoxales : que chacune
soit rattachée au genre dont relève son sujet 1220, rangé lui-même sous le genre
suprême dont il procède 1221, dans un ordre décroissant d’universalité 1222 ; que
chacune soit marquée selon la modalité d’attribution qui la caractérise et
qu’on retienne en premier les propositions plus proches, par leur modalité, de
représenter la chose par son essence 1223. La multiplicité de la matière
dialectique devient ainsi plus maîtrisable, mais ne l’est pas encore autant
qu’elle peut le devenir ; on pourra être en possession de plusieurs définitions
d’un sujet, de plusieurs causes attribuées à un fait ; on aura intérêt alors à
garder l’ordre de valeur endoxal et à marquer, pour chaque proposition,
1219Top., I, 14, 105a34-35.
1220Voir ibid., 105b13-14.
1221Voir ibid., 9.
1222Voir ibid., 14, 105b31-37.
1223Voir ibid., 105b15. Le même conseil est donné encore dans les Analytiques : « Sur
chaque chose, il faut choisir les propositions ainsi : la poser d’abord elle-même, avec ses
définitions et tout ce qui lui est propre ; puis, après cela, tout ce qui suit la chose et,
inversement, tout ce dont la chose s’ensuit, ainsi que tout ce qui ne peut lui appartenir… On
doit aussi distinguer, parmi les conséquents, tout ce qui est attribué comme ce que [la
chose] est, tout ce [qui est attribué] comme propre et tout ce [qui est attribué] comme
accident. » (Prem. Anal., I, 27, 43b1-8) La Rhétorique offre le même conseil, exprimé plus
vaguement, lorsque Aristote prescrit de chercher les données « les plus près possible de la
chose » (voir Rhét., II, 22, 1396b6-10).
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