La Dialectique aristotélicienne, les principes clés des Topiques ...

CONCLUSION
Il ne m’est plus possible, au terme de cet essai d’interprétation, de chercher,
dans les Topiques, les règles d’« un art de gagner à un jeu auquel personne
ne joue plus » 1216. Au contraire, l’évidence me contraint à admettre que
ce traité procure « une logique qui se met au service de l’existence humaine
de chaque jour » 1217, un art qui entend guider cet aspect quotidien de la vie
intellectuelle qu’est la via inventionis : découverte matérielle des conclusions
de la science, de ses principes aussi, que j’ai appelée plus haut leur préintuition
1218, sans laquelle ni la science, ni même l’intelligence préalable de ses
principes propres ne seraient jamais accessibles. Je conclurai en signalant, fort
de l’articulation des principes de la dialectique aristotélicienne présentée,
comment les Topiques accompagnent le travail quotidien de l’intellectuel.
Ce travail commence en face d’un PROBLÈME : un énoncé nouveau vient
d’être conçu, porté à l'attention, et on ne peut se fixer sur l’une de ses contradictoires
; la seule intelligence des termes en présence ne permet pas d’en juger
immédiatement et aucun principe évident n’en offre de solution scientifique.
Que penser ? La seule voie ouverte, c’est de vérifier, en l’attaquant
sous tous rapports, quelle cohérence l’énoncé problématique, affirmé ou nié,
présente avec l’ENDOXE, conception d’après laquelle on se représente habituellement
la réalité. Pour ce faire, il faut avoir clair à l’esprit cet endoxe,
cette opinion où la raison humaine se sent tellement à l’aise que tous, ou la
plupart, ou au moins les sages l’adoptent spontanément. L’investigation d’un
problème dépend donc, comme de son INSTRUMENT, de l’attention portée
auparavant au caractère endoxal ou paradoxal de ce qui s’est conçu et de ce
qui s’est dit, à propos des termes de ce problème, ainsi qu’à propos de leurs
1216Brunschwig, ix.
1217De Pater, Les Topiques…, 233.
1218Voir supra, 100ss.