La Dialectique aristotélicienne, les principes clés des Topiques ...

Chapitre IX
L’INSTRUMENT
Aristote fait reposer l’abondance dialectique sur l’usage d’ƒ et de
ı. On a commis l’erreur d’imaginer en eux des moyens rivaux pour
obtenir un même et unique effet. Mais, pour Aristote, il y a instruments et
lieux parce que découvrir l’attaque est une opération double : sélectionner les
prémisses d’un raisonnement dialectique, c’est choisir deux fois. C’est choisir
les endoxes déterminés d’où l’on pourra inférer la destruction de telle position
: en ce discernement-là réside, de la manière la plus stricte, l’acte dialectique,
et c’est lui que les lieux rendent possible. Or ce discernement en présuppose
un autre : on doit préalablement choisir, parmi les énoncés qui
touchent la matière du problème, ceux qui revêtent un caractère endoxal. Les
instruments dialectiques visent ce discernement préalable. De Pater l’a bien
noté :
Il faut distinguer de la preuve proprement dite une étape de recherche concernant
chaque sujet qui peut se présenter ; elle consiste en une étude encyclopédique,
car on se limite à ce qui est probable. Cette recherche se fait à l’aide
des instruments qui servent à trouver des données ou à les amplifier. 1033
C’est lors de ce premier choix que dialecticien et orateur font provision
des opinions et des croyances immédiates parmi lesquelles il faudra, sur le
champ d’investigation, choisir les prémisses des arguments appropriés à
chaque problème. Aristote distingue explicitement les deux sélections lorsque,
dans le domaine analogue de la rhétorique, il sépare l’enquête instru-
1033De Pater, Les Topiques…, 133. Brunschwig aussi a ses termes pour assigner une
double source à l’abondance dialectique : « Le dialecticien doit disposer d'un double
répertoire, un répertoire de lieux et un répertoire de prémisses ; c’est par l’application
réciproque de ces deux répertoires l’un sur l’autre qu’il trouvera, comme dans un tableau à
double entrée, l’argumentation dont il a besoin. » (Brunschwig, xlii)