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La réception de la littérature française en Pologne ... - e-Sorbonne

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224<br />

C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Prévost considère que Lukács a tiré <strong>de</strong> ces textes « <strong>de</strong>s élém<strong>en</strong>ts fondam<strong>en</strong>taux<br />

<strong>de</strong> sa conception du roman » :<br />

« Le roman est donc le successeur <strong>de</strong> l’épopée héroïque, il est à proprem<strong>en</strong>t parler l’épopée bourgeoise, il<br />

vise, comme l’art épique, à <strong>la</strong> représ<strong>en</strong>tation du mon<strong>de</strong> dans sa totalité. L’épopée correspond au sta<strong>de</strong><br />

primitif du développem<strong>en</strong>t humain, à <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> où le ‘héros’ vit <strong>en</strong> ‘unité substantielle’ avec le Tout<br />

social. Or <strong>la</strong> société bourgeoise abolit cette unité, elle sépare l’homme <strong>de</strong> <strong>la</strong> société. Le roman est l’épopée<br />

<strong>de</strong> cet univers brisé, <strong>en</strong>vahi par <strong>la</strong> prose. Il représ<strong>en</strong>te le conflit du ‘cœur’ et <strong>de</strong> <strong>la</strong> ‘raison’ ratiocinante et<br />

rassise, <strong>de</strong> l’idéal et <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalité. Le héros a perdu son autonomie, fût-il un ‘grand <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong>’, il se<br />

heurte aux conv<strong>en</strong>tions, aux habitu<strong>de</strong>s, aux lois, aux institutions, à l’État. L’héroïsme est attaqué, corrodé<br />

et dissout par l’embourgeoisem<strong>en</strong>t. » 417<br />

« Lukács – écrit Prévost – p<strong>en</strong>se donc pouvoir se réc<strong>la</strong>mer <strong>de</strong> Marx et Engels quand il<br />

‘repr<strong>en</strong>d’ Hegel : dans une lettre à Conrad Schmidt du 1 er septembre 1891, Engels écrivait :<br />

«Pour vous dé<strong>la</strong>sser, je vous recomman<strong>de</strong> l’Esthétique. Quand vous l’aurez étudiée ‘<strong>de</strong> près’,<br />

vous serez étonné. » 418 Il se repose aussi sur le célèbre passage <strong>de</strong> l’Introduction à <strong>la</strong> critique<br />

<strong>de</strong> l’économie politique dans lequel Marx « a l’air » 419 <strong>de</strong> répéter les analyses hégéli<strong>en</strong>nes.<br />

Lukács «repr<strong>en</strong>d » donc Hegel, tout <strong>en</strong> le critiquant, notamm<strong>en</strong>t son apologie <strong>de</strong> <strong>la</strong> «<br />

réconciliation » :<br />

«[Lukács] abandonne l’apologie hégéli<strong>en</strong>ne <strong>de</strong> <strong>la</strong> Versöhnung : le héros mo<strong>de</strong>rne a t<strong>en</strong>té <strong>de</strong> pr<strong>en</strong>dre<br />

d’assaut <strong>la</strong> société, mais il échoue et r<strong>en</strong>once à sa ‘postu<strong>la</strong>tion idéale’, il se résigne et se réconcilie avec le<br />

mon<strong>de</strong>. Pour Lukács, cette « réconciliation » est une résignation, une capitu<strong>la</strong>tion. Le ‘héros positif’ que<br />

prés<strong>en</strong>te Hegel, par naïveté ou par cynisme, est un misérable philistin […]. 420<br />

Le philosophe hongrois remarque que ce qui fait <strong>la</strong> gran<strong>de</strong>ur <strong>de</strong>s grands écrivains <strong>de</strong> l’époque<br />

hégéli<strong>en</strong>ne, par exemple <strong>de</strong> Balzac, est qu’ils s’éloign<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l’apologie <strong>de</strong> <strong>la</strong> «<br />

réconciliation » <strong>de</strong> leur héros avec le mon<strong>de</strong>, au contraire, ils décriv<strong>en</strong>t « leur chute<br />

tragique » .<br />

« En fin <strong>de</strong> compte – écrit C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Prévost – Lukács critique Hegel, il retranche ou ajoute à ses<br />

analyses, il les historicise, et surtout les concrétise, mais il ne les transforme pas<br />

fondam<strong>en</strong>talem<strong>en</strong>t. Ce<strong>la</strong> nous r<strong>en</strong>voie aux limites philosophiques <strong>de</strong> Lukács qui sont <strong>en</strong> partie<br />

celles <strong>de</strong> son temps « 421 .<br />

Le passage <strong>de</strong> Hegel à Marx ne pose pas <strong>de</strong> grands problèmes à Lukács. Il s’appuie sur <strong>de</strong>s<br />

lettres <strong>de</strong> celui-ci, par exemple, sans vraim<strong>en</strong>t « les interroger » 422<br />

417 Ibid., p. 30.<br />

418 Cité dans Marx-Engels : Sur <strong>la</strong> <strong>littérature</strong> et l’art, Paris, Éd. sociales, 1954, p. 192, in Georges LUKÁCS,<br />

Écrits <strong>de</strong> Moscou, Paris, Éditions sociales, 1974, p. 31.<br />

419 G. LUKÁCS, Écrits <strong>de</strong> Moscou, Paris, Éditions sociales, 1974, p. 31.<br />

420 Ibid., p. 31 – 32.<br />

421 Ibid., p. 32.<br />

422 Ibid., p. 32.

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