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La réception de la littérature française en Pologne ... - e-Sorbonne

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cas, c’était elle qui « mo<strong>de</strong><strong>la</strong>it <strong>la</strong> réalité », <strong>en</strong> s’interposant <strong>en</strong>tre celle-ci et l’œuvre (Balzac<br />

était c<strong>la</strong>ssé dans le groupe <strong>de</strong>s « shakespeari<strong>en</strong>s » avec Walter Scott et Tolstoï qui - rappelons-<br />

le, étai<strong>en</strong>t « plus <strong>en</strong>clins à respecter leurs personnages, à les <strong>la</strong>isser vivre selon leur dialectique<br />

propre, <strong>en</strong> faisant taire leurs préfér<strong>en</strong>ces subjectives, parce qu’ils respectai<strong>en</strong>t <strong>la</strong> réalité – et<br />

qu’ils ne cherchai<strong>en</strong>t pas à lui imposer leurs « désirs », leur « conception du mon<strong>de</strong> », leur<br />

« t<strong>en</strong>dance ». » 1240 Lukács considérait que <strong>la</strong> « victoire du réalisme » était plus difficile chez<br />

les écrivains <strong>de</strong> type « schilléri<strong>en</strong> » qui « étai<strong>en</strong>t gênés par <strong>la</strong> nature <strong>de</strong> leur métho<strong>de</strong> créatrice.<br />

Il considérait Balzac et Tolstoï comme les pères fondateurs du « grand réalisme ». Ses<br />

adversaires soviétiques lui reprochai<strong>en</strong>t « sa prédilection pour Goethe, pour Balzac, et lui<br />

oppos<strong>en</strong>t une autre lignée <strong>de</strong> précurseurs : Byron, Hugo et Zo<strong>la</strong>, par exemple » 1241 ou <strong>en</strong>core<br />

Büchner, Heine, Petöfi - qui étai<strong>en</strong>t préférés à Balzac, Tolstoï ou Goethe. Lukács leur<br />

répondait <strong>en</strong> mettant <strong>en</strong> avant les « argum<strong>en</strong>ts d’autorité » : Hugo, Zo<strong>la</strong> et Byron ont été<br />

critiqués « sans ménagem<strong>en</strong>t » par Marx, Engels et <strong>La</strong>fargue. D’après les théorici<strong>en</strong>s<br />

soviétiques <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>littérature</strong>, les écrivains qui avai<strong>en</strong>t leur préfér<strong>en</strong>ce étai<strong>en</strong>t « plus<br />

progressistes » que Balzac, Tolstoï ou Goethe.<br />

Dans son analyse du roman d’Europe occi<strong>de</strong>ntale après Balzac, Lukacs dénonçait, comme<br />

nous l’avons déjà vu, <strong>de</strong>ux phénomènes qui ont perturbé l’épanouissem<strong>en</strong>t du réalisme : d’une<br />

part, l’apparition du fantastique d’E.T.A. Hoffmann et E. Poe qui a même touché certains<br />

romans <strong>de</strong> Victor Hugo (Notre-Dame <strong>de</strong> Paris et Quatre-vingt-treize) ; d’autre part, c’était le<br />

danger <strong>de</strong> l’esthétique naturaliste qui guettait - auquel seulem<strong>en</strong>t un grand écrivain comme<br />

Tolstoï a pu échapper. 1242 Lukács reprochait aussi à Hugo et à Vigny d’avoir « transformé les<br />

réalités historiques <strong>en</strong> ‘fable moralisante’, contaminés par le romantisme légitimiste et<br />

réactionnaire. » 1243<br />

L’influ<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong> conception du grand réalisme <strong>de</strong> Lukács sur le discours critique <strong>de</strong> Ku nica<br />

a probablem<strong>en</strong>t eu un impact sur <strong>la</strong> <strong>réception</strong> <strong>de</strong> l’œuvre <strong>de</strong> Victor Hugo dans <strong>la</strong> première<br />

pério<strong>de</strong> – celle <strong>de</strong> l’après-guerre. Elle a comm<strong>en</strong>cé à s’amplifier à partir <strong>de</strong> 1949, pour<br />

pr<strong>en</strong>dre un vrai <strong>en</strong>vol <strong>en</strong> 1952 – l’année <strong>de</strong>s festivités organisées pour célébrer <strong>la</strong> 150 e<br />

anniversaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> naissance <strong>de</strong> Victor Hugo 1244 .<br />

L’œuvre <strong>de</strong> Victor Hugo a connu une <strong>réception</strong> importante <strong>en</strong> Union Soviétique. Ses Œuvres<br />

complètes (Sobranie so in<strong>en</strong>ij) <strong>en</strong> quinze volumes ont été publiées <strong>en</strong>tre 1953 et 1956 (tirage :<br />

1240 G. LUKÁCS, op. cit., p. 56.<br />

1241 G. LUKÁCS, op. cit., p. 47.<br />

1242 M. UROWSKI, op. cit., 1991, p.225.<br />

1243 J.-Y. TADIÉ, op. cit., p. 161-162.<br />

1244 <strong>La</strong> <strong>réception</strong> <strong>de</strong> V. Hugo dans <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> 1949 – 1956 sera prés<strong>en</strong>tée dans le chapitre 5.3 <strong>de</strong> <strong>la</strong> Deuxième<br />

partie.

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