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La réception de la littérature française en Pologne ... - e-Sorbonne

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Le numéro 25 d’Odrodz<strong>en</strong>ie apportait l’article <strong>de</strong> Zbigniew Bie kowski sur l’Etranger<br />

<strong>de</strong> Camus 1296 , avec <strong>la</strong> reproduction d’une photographie <strong>de</strong> l’écrivain français. <strong>La</strong> surprise du<br />

personnage <strong>de</strong> Meursault, pour Bie kowski, se situe moins dans le fait qu’il sera défini<br />

seulem<strong>en</strong>t par les autres personnages du roman, mais plutôt dans le fait qu’il s’observe lui-<br />

même comme un étranger, ce qui met le roman <strong>de</strong> Camus à part, et r<strong>en</strong>d difficile <strong>de</strong>s<br />

comparaisons et <strong>de</strong>s rapprochem<strong>en</strong>ts. <strong>La</strong> <strong>de</strong>uxième chose qui étonne Bie kowski est que<br />

Meursault s’observe et observe le mon<strong>de</strong> sans aucune passion, sa manière d’observer est<br />

vidée d’imagination. Il ne cherche pas à établir <strong>de</strong>s suites logiques <strong>de</strong>s événem<strong>en</strong>ts dont il est<br />

témoin. Le s<strong>en</strong>s <strong>de</strong> <strong>la</strong> hiérarchie et <strong>de</strong> <strong>la</strong> perspective est abs<strong>en</strong>t <strong>de</strong> son regard. C’est son champ<br />

<strong>de</strong> vision qui délimite ce qu’il voit. Il ignore tout le reste. Bie kowski cite un fragm<strong>en</strong>t du<br />

roman qui décrit <strong>la</strong> journée <strong>de</strong> travail <strong>de</strong> Meursault, et constate qu’il est possible <strong>de</strong> percer le<br />

mystère <strong>de</strong> cette manière <strong>de</strong> voir : les phénomènes sont liés <strong>en</strong>tre eux uniquem<strong>en</strong>t par<br />

leur « voisinage <strong>de</strong> fait ». Chaque phrase est une surprise, parce qu’elle ne suit pas<br />

logiquem<strong>en</strong>t <strong>la</strong> précé<strong>de</strong>nte. Cette manière d’écrire n’est pas une trouvaille <strong>de</strong> Camus,<br />

considère l’auteur <strong>de</strong> l’article. Il suffit, remarque-t-il, <strong>de</strong> lire quelques pages <strong>de</strong> Hemingway<br />

ou <strong>de</strong> Dos Passos pour établir les similitu<strong>de</strong>s, mais, pour <strong>la</strong> première fois <strong>la</strong> synchronisation<br />

<strong>en</strong>tre le style et <strong>la</strong> personnalité du héros est aussi parfaite. Meursault n’utilise pas le style<br />

imposé par l’auteur. Les autres personnages sont prés<strong>en</strong>tés, justem<strong>en</strong>t prés<strong>en</strong>tés, et non jugés,<br />

par Meursault. En ce qui concerne les passions, Bie kowski évoque Madame Bovary et<br />

Swann pour dire qu’il n’est pas sûr d’avoir plus appris sur les passions d’eux que <strong>de</strong><br />

Meursault. Quant à l’objectivisme, il admet qu’il existe plusieurs chemins pour l’approcher.<br />

Le critique définit l’objectivisme <strong>de</strong> Meursault comme « clinique », exceptionnel. Même au<br />

mom<strong>en</strong>t du crime, il ne cherche pas à se trouver <strong>de</strong>s argum<strong>en</strong>ts disculpants. Son observation<br />

est imparfaite, sa conception du mon<strong>de</strong> est assez simple : « les choses et les phénomènes, les<br />

g<strong>en</strong>s et les actions exist<strong>en</strong>t. Mais les re<strong>la</strong>tions <strong>en</strong>tre eux ne sont pas réglées à l’avance. Chacun<br />

<strong>de</strong> nous les compose. Chacun différemm<strong>en</strong>t. ». 1297 C’est nouveau et ce n’est pas nouveau,<br />

considère Bie kowski. Il proteste contre « l’accusation » <strong>de</strong> Brandys qui, dans son article<br />

comm<strong>en</strong>té plus haut, qualifie Meursault <strong>de</strong> schizophrène. Pour Bie kowski, Meursault a<br />

l’esprit rempli d’absur<strong>de</strong>. Il est prêt à payer pour son crime, parce qu’il a dépassé un interdit,<br />

mais pas parce qu’il le regrette. Le procureur n’est pas prêt à accepter. C’est ici que le critique<br />

voit le conflit que Camus ne « résout pas au profit <strong>de</strong> l’idée <strong>de</strong> l’ordre moral dans le mon<strong>de</strong>.»<br />

1296 Z.BIE KOWSKI, « Cudzoziemiec » (L’Etranger), Odrodz<strong>en</strong>ie, 1947, n°25, p. 2-3.<br />

1297 Z.BIE KOWSKI, « Cudzoziemiec » (L’Etranger), Odrodz<strong>en</strong>ie, 1947, n°25, p. 2 : « rzeczy i zjawiska,<br />

ludzie i czynno ci istniej . Lecz zwi zki mi dzy nimi nie s z góry uregulowane. Ka dy z nas je układa. Ka dy<br />

inaczej.

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