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La réception de la littérature française en Pologne ... - e-Sorbonne

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<strong>en</strong> 1945 - même pour les critiques <strong>de</strong> Ku nica qui ont fait l’expéri<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie littéraire<br />

soviétique p<strong>en</strong>dant <strong>la</strong> guerre -, les critères <strong>de</strong> sélection pour former le canon « socréaliste » ne<br />

pouvai<strong>en</strong>t pas être énoncés d’une manière explicite dans l’immédiat après-guerre. D’où <strong>la</strong><br />

possibilité d’erreurs, voire les t<strong>en</strong>tatives <strong>de</strong> « faire passer » <strong>de</strong>s auteurs ou <strong>de</strong>s œuvres<br />

auxquels les critiques <strong>de</strong> Ku nica t<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t pour <strong>de</strong>s raisons autres qu’idéologiques. Jan Kott se<br />

souvi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> cette pério<strong>de</strong> :<br />

« […] chacun <strong>de</strong> nous gardait aussi ses fascinations et ses amours d’avant <strong>la</strong> guerre. Les unes dissimulées<br />

dès le début, comme <strong>de</strong>s liaisons illégales, d’autres trop évi<strong>de</strong>ntes pour qu’on puisse les cacher ; d’autres<br />

<strong>en</strong>core qu’aucun <strong>de</strong> nous ne pouvait r<strong>en</strong>ier. Jastrun aurait facilem<strong>en</strong>t r<strong>en</strong>oncé à Słowacki, mais il n’aurait<br />

jamais r<strong>en</strong>ié Norwid. Norwid, d’ailleurs, n’était pas dangereux, il était progressiste […]. Wa yk n’ aurait<br />

jamais r<strong>en</strong>oncé à Apollinaire […]. 734<br />

Jastrun s’<strong>en</strong> pr<strong>en</strong>d à <strong>la</strong> <strong>littérature</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’<strong>en</strong>tre-<strong>de</strong>ux-guerres qui était, d’après<br />

lui, une fuite vers « le biologisme » ou vers « l’alchimie <strong>de</strong>s mots ». Rares étai<strong>en</strong>t les<br />

écrivains <strong>de</strong> cette pério<strong>de</strong>, selon le critique, qui ont su sauvegar<strong>de</strong>r les valeurs humanistes ou<br />

faire preuve <strong>de</strong> rationalisme dans leurs œuvres sans donner dans le radicalisme teinté du<br />

mysticisme. Il m<strong>en</strong>tionne aussi un groupe d’écrivains (grupa « Przedmie cie ») 735 qui se<br />

rapprochai<strong>en</strong>t du réalisme.<br />

Jastrun exprime son inquiétu<strong>de</strong> par rapport au manque <strong>de</strong> compréh<strong>en</strong>sion <strong>de</strong>s erreurs<br />

commises <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong>s écrivains qui s’accroch<strong>en</strong>t toujours à leurs choix douteux d’avant-<br />

guerre et continu<strong>en</strong>t à éviter les contacts directs avec <strong>la</strong> vie sociale. Il attribue une p<strong>la</strong>ce à part<br />

à Mickiewicz dont il reconnaît le s<strong>en</strong>s <strong>de</strong> l’histoire digne d’un génie, qui a tant manqué aux<br />

autres. Słowacki, Krasi ski, Norwid – sans avoir le génie <strong>de</strong> Mickiewicz, ont réussi à gar<strong>de</strong>r<br />

dans leurs œuvres une vision <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Pologne</strong>. Les œuvres <strong>de</strong>s écrivains<br />

positivistes, Orzeszkowa, Konopnicka, Prus, malgré certaines hésitations qu’il attribue à<br />

l’esprit <strong>de</strong> conciliation du mouvem<strong>en</strong>t démocratique polonais, apparti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t au mouvem<strong>en</strong>t<br />

progressiste <strong>de</strong> l’histoire. Après le positivisme, <strong>la</strong> <strong>littérature</strong> polonaise n’a pas créé d’œuvres<br />

734 Jan KOTT, <strong>La</strong> vie <strong>en</strong> sursis : esquisses pour une biographie, Paris, 1991, p. 248.<br />

735 Grupa « Przedmie cie » (Banlieue) : un groupe littéraire créé <strong>en</strong> 1933 par H. Boguszewska et J. Kornacki<br />

(dissous <strong>en</strong> 1937) ; ses membres mettai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> avant les faits et l’observation qui <strong>de</strong>vai<strong>en</strong>t transformer une œuvre<br />

littéraire <strong>en</strong> outil <strong>de</strong> recherche sociale. Le prolétariat, les chômeurs, et les marginaux constituai<strong>en</strong>t l’objet<br />

principał <strong>de</strong> leur intérêt. Leur programme littéraire – gauchiste – n’était pourtant pas marxiste ; il était proche du<br />

naturalisme <strong>de</strong> Zo<strong>la</strong>, tout <strong>en</strong> gardant <strong>de</strong>s distances par rapport à <strong>la</strong> brutalité <strong>de</strong>s <strong>de</strong>scriptions naturalistes ; il<br />

s’inspirait égalem<strong>en</strong>t, <strong>en</strong>tre autres, du populisme français et du groupe russe LEF. Il se situait dans <strong>la</strong> mouvance<br />

du réalisme social <strong>de</strong>s années tr<strong>en</strong>te.

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