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La réception de la littérature française en Pologne ... - e-Sorbonne

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au détrim<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l’approche sci<strong>en</strong>tifique relevant <strong>de</strong> l’histoire littéraire. Cette situation ouvrait<br />

<strong>la</strong> voie à <strong>la</strong> manipu<strong>la</strong>tion idéologique lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> formation du canon historique marxiste,<br />

comme nous l’avons déjà constaté, et a égalem<strong>en</strong>t influ<strong>en</strong>cé <strong>la</strong> politique éditoriale et les<br />

nouveaux programmes sco<strong>la</strong>ires.<br />

Un <strong>de</strong>s argum<strong>en</strong>ts régulièrem<strong>en</strong>t utilisés par les critiques marxistes <strong>de</strong> Ku nica, mais<br />

repris aussi par d’autres critiques (comme Kazimierz Wyka, considéré à l’époque comme<br />

« critique éclectique ») dans l’opération du « retour au réalisme » dans l’immédiat après-<br />

guerre, était le réconfort apporté par <strong>la</strong> lecture <strong>de</strong> Balzac, St<strong>en</strong>dhal, Di<strong>de</strong>rot, Voltaire, Tolstoï,<br />

Prus, Orzeszkowa, Mickiewicz, aux lecteurs durant <strong>la</strong> guerre, opposé, bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du, au<br />

tourm<strong>en</strong>t et au « brouil<strong>la</strong>rd » <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>littérature</strong> « formaliste » <strong>de</strong> l’<strong>en</strong>tre-<strong>de</strong>ux-guerres. Ces<br />

lectures réconfortantes fournissai<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s réponses aux questions douloureuses que les g<strong>en</strong>s<br />

« ordinaires » se posai<strong>en</strong>t dans cette pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> viol<strong>en</strong>ce et une vision du mon<strong>de</strong> qui<br />

correspondait à leur vécu et non à <strong>de</strong>s chimères d’intellectuels déconnectés <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalité -<br />

assurait Jan Kott qui avouait volontiers qu’il <strong>en</strong> était <strong>de</strong> même pour lui. Kott suggérait que le<br />

choix spontané <strong>de</strong>s lecteurs guidés par le traumatisme <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre était juste : ils choisissai<strong>en</strong>t<br />

instinctivem<strong>en</strong>t ce qui était bon pour eux p<strong>en</strong>dant cette pério<strong>de</strong> éprouvante, ils choisissai<strong>en</strong>t<br />

donc les « bonnes » traditions. Comme nous avons pu le constater plus haut, <strong>la</strong> <strong>littérature</strong><br />

<strong>française</strong> du XIXe siècle occupait une gran<strong>de</strong> p<strong>la</strong>ce dans ces « bonnes » traditions. Il est<br />

inutile <strong>de</strong> rappeler que cette distinction <strong>en</strong>tre les « bonnes » traditions et les « autres »<br />

annonçait déjà le début <strong>de</strong> l’opération d’actualisation <strong>de</strong> l’héritage littéraire <strong>de</strong>vant aboutir à<br />

<strong>la</strong> formation du canon historique marxiste. Kott opposait déjà Balzac, St<strong>en</strong>dhal, Voltaire,<br />

Di<strong>de</strong>rot – à Proust, Gi<strong>de</strong>, Céline.<br />

Dans <strong>la</strong> même pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’immédiat après-guerre, Mieczysław Jastrun, critique <strong>de</strong><br />

Ku nica, s’atte<strong>la</strong>nt aussi à l’opération d’actualisation <strong>de</strong> l’héritage littéraire, associait Balzac<br />

et Z. Krasi ski, à qui il attribuait le don <strong>de</strong> savoir percer les mécanismes du mouvem<strong>en</strong>t<br />

progressiste <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> leur époque.<br />

Par <strong>la</strong> suite, dans le discours critique <strong>de</strong> Ku nica, cette manière <strong>de</strong> convoquer les<br />

exemples <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>littérature</strong> <strong>française</strong>, le plus souv<strong>en</strong>t celle <strong>de</strong>s Lumières et du XIXe siècle, pour<br />

mettre <strong>en</strong> avant les traditions rationalistes, sociales, réalistes, <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dra une pratique courante.<br />

Les romans <strong>de</strong> Balzac fonctionnai<strong>en</strong>t dans <strong>la</strong> pratique critique <strong>de</strong> Jan Kott comme un<br />

« modèle – autorité »<br />

L’introduction dans <strong>la</strong> critique littéraire marxiste <strong>de</strong> <strong>la</strong> catégorie du réalisme critique<br />

servait à « construire » une tradition pour le réalisme socialiste qui <strong>de</strong>vait apparaître comme

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