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La réception de la littérature française en Pologne ... - e-Sorbonne

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Même si, comme nous l’avons vu, une <strong>de</strong>s finalités <strong>de</strong> l’actualisation <strong>de</strong>s traditions<br />

littéraires - fournir <strong>de</strong>s modèles du nouveau roman réaliste sur <strong>la</strong> base <strong>de</strong>s concepts é<strong>la</strong>borés<br />

par Lukács et diffusés par Kott - comm<strong>en</strong>çait à être critiquée <strong>en</strong> 1947 d’une part par les<br />

écrivains eux-mêmes (égalem<strong>en</strong>t ceux qui étai<strong>en</strong>t proches <strong>de</strong> Ku nica), d’autre part par les<br />

responsables <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique culturelle qui souhaitai<strong>en</strong>t que les critiques s’inspir<strong>en</strong>t davantage<br />

<strong>de</strong>s expéri<strong>en</strong>ces <strong>de</strong> <strong>la</strong> critique et <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>littérature</strong> soviétiques, restait <strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième finalité :<br />

proposer les « c<strong>la</strong>ssiques » (soigneusem<strong>en</strong>t sélectionnés, bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du) aux nouveaux lecteurs<br />

pour « former » leur goût » et les détacher <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>littérature</strong> <strong>de</strong> « second ordre » comme objectif<br />

avoué, et, <strong>en</strong> att<strong>en</strong>dant les romans qui leur parlerai<strong>en</strong>t <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie <strong>de</strong> leur époque, les habituer à<br />

voir <strong>la</strong> vie <strong>de</strong> <strong>la</strong> manière plus conforme au projet <strong>de</strong> <strong>la</strong> nouvelle société. L’accès « <strong>de</strong>s<br />

masses » à <strong>la</strong> lecture était un objectif fort <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique culturelle du nouveau pouvoir<br />

polonais, comme nous l’avons signalé à plusieurs reprises. Ce qui nous intéresse ici <strong>de</strong> ce<br />

projet <strong>de</strong> lecture publique massive, qui avait plusieurs facettes, c’est le li<strong>en</strong> <strong>en</strong>tre l’opération<br />

d’actualisation <strong>de</strong>s traditions littéraires par <strong>la</strong> critique marxiste <strong>de</strong> Ku nica et l’action<br />

d’éditions, ou plutôt <strong>de</strong> rééditions « <strong>de</strong>s c<strong>la</strong>ssiques » dès l’immédiat après-guerre. <strong>La</strong> première<br />

remarque qui s’impose, c’est l’étonnante, et on pourrait presque dire l’admirable logique <strong>de</strong>s<br />

opérations qui s’<strong>en</strong>chaînai<strong>en</strong>t l’une après l’autre pour conduire <strong>en</strong>fin à <strong>la</strong> métho<strong>de</strong> du réalisme<br />

socialiste. D’abord le vaste débat « démocratique », ouvert et libre - mais surveillé et guidé<br />

par l’équipe <strong>de</strong> Ku nica - sur le réalisme dans <strong>la</strong> <strong>littérature</strong>, qui a « bénéficié » du traumatisme<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre favorisant <strong>la</strong> critique et le rejet quasi général d’autres conv<strong>en</strong>tions littéraires.<br />

Ensuite le retour vers les « c<strong>la</strong>ssiques » réalistes qui fournissai<strong>en</strong>t <strong>la</strong> continuité, <strong>la</strong> dim<strong>en</strong>sion<br />

historique, à <strong>la</strong> <strong>littérature</strong> « réaliste ». <strong>La</strong> route vers le réalisme socialiste était toute tracée, et<br />

certains le savai<strong>en</strong>t mieux que d’autres et le souhaitai<strong>en</strong>t. D’autres, acceptant une gran<strong>de</strong><br />

partie <strong>de</strong> ce qu’apportait et proposait le communisme, espérai<strong>en</strong>t pouvoir protéger <strong>la</strong><br />

<strong>littérature</strong> <strong>de</strong>s excès, déjà connus, du réalisme socialiste.<br />

<strong>La</strong> critique marxiste, celle <strong>de</strong> Ku nica, était <strong>en</strong> première ligne pour remplir les p<strong>la</strong>ns<br />

éditoriaux <strong>de</strong>s rééditions « <strong>de</strong>s c<strong>la</strong>ssiques ». Elle faisait le travail <strong>en</strong> amont, triait, tranchait,<br />

quelquefois hésitait, commettait <strong>de</strong>s erreurs aussi. Par <strong>la</strong> suite, quand elle a été <strong>en</strong>cadrée par <strong>la</strong><br />

c<strong>en</strong>sure bi<strong>en</strong> plus structurée qu’au début, elle écoutait aussi, se conformait aux consignes,<br />

anticipait même pour ne pas être critiquée à son tour. Néanmoins, c’est <strong>la</strong> critique qui a<br />

permis <strong>de</strong> <strong>la</strong>ncer les premières rééditions « <strong>de</strong>s c<strong>la</strong>ssiques » dont on espérait qu’ils agirai<strong>en</strong>t<br />

positivem<strong>en</strong>t sur les goûts <strong>en</strong>core incertains <strong>de</strong> nouveaux lecteurs et les détournerai<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

l’offre habituelle qu’on leur proposait – à savoir les romans à l’eau <strong>de</strong> rose, les romans<br />

d’av<strong>en</strong>tures, les romans <strong>de</strong> gare, les policiers, ou <strong>en</strong>core <strong>de</strong>s récits édifiants.

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