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La réception de la littérature française en Pologne ... - e-Sorbonne

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« <strong>La</strong> résignation philosophique <strong>de</strong> Hegel <strong>de</strong>vant l’évolution réelle <strong>de</strong> <strong>la</strong> société a r<strong>en</strong>du possible un<br />

développem<strong>en</strong>t ultérieur <strong>de</strong> <strong>la</strong> philosophie vers le matérialisme dialectique […] Au contraire,<br />

l’intransigeance <strong>de</strong> Höl<strong>de</strong>rlin l’a conduit dans une impasse tragique : inconnu et ignoré <strong>de</strong> tous, il est<br />

tombé, t<strong>en</strong>tant <strong>de</strong> se protéger <strong>de</strong>vant <strong>la</strong> vague boueuse du ‘thermidorianisme’, tel un Leonidas poétique,<br />

fidèle aux idéaux antiques <strong>de</strong> <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> jacobine. » 480<br />

A <strong>la</strong> « constatation paradoxale » qui consiste à reconnaître que « <strong>la</strong> lucidité critique vis-à-vis<br />

du prés<strong>en</strong>t est souv<strong>en</strong>t liée à <strong>de</strong>s positions politiques réactionnaires ou conservatrices » ,<br />

comme le prouve l’exemple <strong>de</strong> grands romanciers réalistes du XIXe siècle, <strong>de</strong>puis Balzac à<br />

Dostoïevski, Lukács et Lifchits propos<strong>en</strong>t une explication générale – poursuit Michel<br />

Aucouturier 481 : « <strong>en</strong> substituant un nouveau type d’exploitation <strong>de</strong> l’homme par l’homme à<br />

celui que pratiquait <strong>la</strong> féodalité, <strong>la</strong> bourgeoisie ne joue un rôle progressiste que sur le long<br />

terme, <strong>en</strong> fonctions <strong>de</strong>s fins <strong>de</strong>rnières <strong>de</strong> l’histoire. Dans le prés<strong>en</strong>t, ses intérêts sont loin <strong>de</strong><br />

coïnci<strong>de</strong>r toujours avec ceux du peuple » Et il cite Lifchits :<br />

« Les intérêts du parti progressiste bourgeois coïncidai<strong>en</strong>t parfois avec ceux du peuple, mais il s’<strong>en</strong> fal<strong>la</strong>it<br />

<strong>de</strong> beaucoup que ce fût partout et <strong>en</strong> totalité. Ce qui ouvrait <strong>la</strong> possibilité d’une critique conservatrice, ou<br />

même réactionnaire, du progrès, cont<strong>en</strong>ant beaucoup d’élém<strong>en</strong>ts va<strong>la</strong>bles, et même socialistes. » 482<br />

Lukács et Lifchits introduis<strong>en</strong>t une notion nouvelle <strong>de</strong> « peuple » , jusque-là étrangère au<br />

vocabu<strong>la</strong>ire du marxisme soviétique, qui occupera désormais une p<strong>la</strong>ce c<strong>en</strong>trale dans <strong>la</strong><br />

critique soviétique, écrit Michel Aucouturier, « pour r<strong>en</strong>dre compte <strong>de</strong> l’universalité d’un art<br />

qui transc<strong>en</strong><strong>de</strong> les limitations <strong>de</strong> c<strong>la</strong>sse. »<br />

On a souv<strong>en</strong>t reproché à l’équipe du Critique littéraire une gran<strong>de</strong> sévérité dans leurs<br />

jugem<strong>en</strong>ts al<strong>la</strong>nt jusqu’au mépris pour <strong>la</strong> <strong>littérature</strong> soviétique <strong>de</strong> l’époque. Pr<strong>en</strong>ant <strong>la</strong> déf<strong>en</strong>se<br />

<strong>de</strong>s valeurs universelles <strong>de</strong> l’art c<strong>la</strong>ssique, Lukács se montre effectivem<strong>en</strong>t très exigeant vis-à-<br />

vis du réalisme socialiste. « Dans <strong>la</strong> perspective historiosophique qui est <strong>la</strong> si<strong>en</strong>ne, celui-ci<br />

doit représ<strong>en</strong>ter <strong>en</strong> effet l’accomplissem<strong>en</strong>t suprême <strong>de</strong> l’art, et permettre <strong>en</strong> particulier au<br />

roman <strong>de</strong> retrouver <strong>la</strong> haute portée philosophique <strong>de</strong> l’épopée antique » - écrit Michel<br />

Aucouturier. Les col<strong>la</strong>borateurs du Critique littéraire accus<strong>en</strong>t les auteurs contemporains «<br />

d’ap<strong>la</strong>nir les conflits et les situations tragiques <strong>de</strong> l’exist<strong>en</strong>ce par un optimisme <strong>de</strong> faça<strong>de</strong> et<br />

d’illustrer les thèses officielles au lieu d’exprimer l’idéal par les moy<strong>en</strong>s propres à l’art. » 483<br />

C’est, <strong>en</strong>tre autres, dans son essai Pourquoi Marx et Engels ont-ils critiqué l’idéologie<br />

libérale ?, que Lukács s’explique sur ses jugem<strong>en</strong>ts sévères <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>littérature</strong> soviétique. En<br />

480 G. LUKÁCS, K istorii realizma (Contributions à l’historie du réalisme), Moskva, 1939, p. 42, cité par M.<br />

Aucouturier in M. AUCOUTURIER, op. cit., p. 76.<br />

481 M. AUCOUTURIER, Le réalisme socialiste, Paris, PUF, 1998, p. 76.<br />

482 M. LIFCHITS, article cité (cf. note 47) par M. Aucouturier, in M. AUCOUTURIER, op. cit., p. 76.<br />

483 M. AUCOUTURIER, Le réalisme socialiste, Paris, PUF, 1998, p. 77.

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