01.06.2013 Views

La réception de la littérature française en Pologne ... - e-Sorbonne

La réception de la littérature française en Pologne ... - e-Sorbonne

La réception de la littérature française en Pologne ... - e-Sorbonne

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

227<br />

Dans une lettre <strong>de</strong> Goethe à Schiller, Lukács retrouve cette idée <strong>de</strong> distinction à établir <strong>en</strong>tre<br />

<strong>de</strong>ux type d’écrivains, représ<strong>en</strong>tés par Shakespeare d’une part et par Schiller d’autre part –<br />

poursuit C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Prévost – Goethe y oppose les écrivains qui cherch<strong>en</strong>t le particulier dans le<br />

général et ceux qui cherch<strong>en</strong>t le général dans le particulier. 433 Lukács, se servant <strong>de</strong> cette<br />

distinction, c<strong>la</strong>sse dans <strong>la</strong> première catégorie les « progressistes » : Schiller, Byron, Hugo,<br />

Zo<strong>la</strong>, et même Dostoïevski qui sont « guidés » par l’idéologie dans leur manière <strong>de</strong> travailler<br />

<strong>la</strong> réalité, et, dans certains cas, c’est elle qui « modèle <strong>la</strong> réalité, elle s’interpose <strong>en</strong>tre celle-ci<br />

et l’œuvre <strong>en</strong> fonctionnant comme un a priori kanti<strong>en</strong>. » Le <strong>de</strong>uxième groupe, les «<br />

shakespeari<strong>en</strong>s » qui cherch<strong>en</strong>t donc le général dans le particulier - selon <strong>la</strong> distinction <strong>de</strong><br />

Goethe - et dans lequel Lukács range Balzac, Walter Scott, Tolstoï, sont « plus <strong>en</strong>clins à<br />

respecter leurs personnages, à les <strong>la</strong>isser vivre selon leur dialectique propre, <strong>en</strong> faisant taire<br />

leur préfér<strong>en</strong>ces subjectives, parce qu’ils respect<strong>en</strong>t <strong>la</strong> réalité – et qu’ils ne cherch<strong>en</strong>t pas à lui<br />

imposer leurs ‘désirs’, leur ‘conception du mon<strong>de</strong>’, leur ‘t<strong>en</strong>dance’. » 434 Le philosophe<br />

hongrois considère que <strong>la</strong> « victoire du réalisme » est plus difficile chez les écrivains <strong>de</strong><br />

type « schilléri<strong>en</strong> » qui « sont gênés par <strong>la</strong> nature <strong>de</strong> leur métho<strong>de</strong> créatrice » .<br />

Par cette position prise contre <strong>la</strong> « <strong>littérature</strong> <strong>de</strong> t<strong>en</strong>dance » , Lukács se positionne « à<br />

contre-courant du discours <strong>de</strong> Jdanov <strong>en</strong> 1934, et les t<strong>en</strong>dances dominantes <strong>de</strong> <strong>la</strong> critique<br />

soviétique » ainsi que <strong>de</strong> <strong>la</strong> production littéraire soviétique <strong>de</strong> l’époque - estime C<strong>la</strong>u<strong>de</strong><br />

Prévost. 435<br />

Lukács considère Balzac et Tolstoï comme les pères fondateurs du « grand réalisme » . Ses<br />

adversaires soviétiques lui reproch<strong>en</strong>t « sa prédilection pour Goethe, pour Balzac, et lui<br />

oppos<strong>en</strong>t une autre lignée <strong>de</strong> précurseurs : Byron, Hugo et Zo<strong>la</strong>, par exemple » 436 ou <strong>en</strong>core<br />

Büchner, Heine, Petöfi qui sont manifestem<strong>en</strong>t préférés à Balzac, Tolstoï ou Goethe. Lukács<br />

peut mettre <strong>en</strong> avant les « argum<strong>en</strong>ts d’autorité » : Hugo, Zo<strong>la</strong> et Byron ont été critiqués «<br />

sans ménagem<strong>en</strong>t » par Marx, Engels et <strong>La</strong>fargue. Mais il découvre une autre raison qui<br />

r<strong>en</strong>tre <strong>en</strong> ligne <strong>de</strong> compte chez ses contradicteurs : les écrivains qu’ils préfèr<strong>en</strong>t sont<br />

considérés par eux comme « plus progressistes » que Balzac, Tolstoï ou Goethe. Alors, le<br />

philosophe hongrois pose <strong>de</strong>ux questions : celle <strong>de</strong> <strong>la</strong> notion même <strong>de</strong> « progrès » d’une part,<br />

et celle <strong>de</strong>s critères qui permett<strong>en</strong>t <strong>de</strong> juger une œuvre littéraire 437 .<br />

433 G. LUKÁCS, Écrits <strong>de</strong> Moscou, Paris, Éditions sociales, 1974, p. 55.<br />

434 G. LUKÁCS, Écrits <strong>de</strong> Moscou, Paris, Éditions sociales, 1974, p. 56.<br />

435 Ibid., p. 56.<br />

436 Ibid., p. 47.<br />

437 Ibid., p. 47.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!