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Mars la bleue

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oui, et même plus, avec ses horizons lointains et sa gravité<br />

écrasante. Plus abrupt et plus b<strong>la</strong>nc, et les vents y étaient plus<br />

forts. Ka, le vent transperçait sa parka comme des <strong>la</strong>nces de<br />

g<strong>la</strong>ce, plus fort, plus froid… Ah, Dieu ! comme un vent lui<br />

perçant le cœur, il fut pénétré de <strong>la</strong> soudaine certitude que dans<br />

son immensité, sa variété, <strong>la</strong> Terre avait des régions plus<br />

martiennes que <strong>Mars</strong> elle-même. Que parmi toutes ses façons<br />

d’être plus grande, elle arrivait à être plus martienne que <strong>Mars</strong><br />

même.<br />

Il fut paralysé par cette pensée. Il resta un moment<br />

immobile, à regarder, à tenter d’affronter cette idée. Le vent<br />

mourut un instant. Le monde aussi était immobile. Pas un<br />

mouvement, pas un bruit.<br />

Lorsqu’il remarqua le silence, il commença à y faire<br />

attention, à guetter quelque chose, un bruit, mais il n’entendit<br />

rien, et le silence devint pour ainsi dire palpable. Il n’avait<br />

jamais rien entendu de pareil. Il y réfléchit. Sur <strong>Mars</strong>, il avait<br />

toujours été dans une tente, une combinaison, bref, de <strong>la</strong><br />

mécanique, sauf pendant les rares marches à <strong>la</strong> surface qu’il<br />

avait faites ces dernières années. Et même alors, il y avait<br />

toujours eu du vent, ou des machines à proximité. Ou il ne<br />

l’avait tout simplement pas remarqué. Maintenant, il n’y avait<br />

qu’un immense silence, le silence de l’univers. Un silence<br />

inimaginable, même en rêve.<br />

Puis il recommença à entendre des sons. La pulsation du<br />

sang dans ses oreilles. Le souffle de sa respiration. Le ronron de<br />

ses pensées, comme si elles faisaient du bruit. Son propre<br />

système végétatif, son corps, avec ses pompes organiques, ses<br />

venti<strong>la</strong>teurs, ses générateurs. Encore de <strong>la</strong> mécanique qui faisait<br />

son bruit de machine, mais intérieur, cette fois. Il était libre<br />

comme jamais il ne l’avait été, dans ce grand silence où il<br />

pouvait s’entendre fonctionner, rien que lui tout seul sur ce<br />

monde, un corps libre debout sur sa p<strong>la</strong>nète mère, libre, ceint de<br />

<strong>la</strong> pierre et <strong>la</strong> roche où tout avait commencé. Ma mère <strong>la</strong> Terre –<br />

il pensa à Hiroko, et cette fois sans le chagrin dévastateur qu’il<br />

avait éprouvé à Trinidad. Lorsqu’il retournerait sur <strong>Mars</strong>, il<br />

pourrait vivre comme ça. Il pourrait marcher dans le silence,<br />

être libre, vivre dehors, dans le vent, dans une chose semb<strong>la</strong>ble<br />

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