26.06.2013 Views

Mars la bleue

Mars la bleue

Mars la bleue

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

asse. Une porte, au fond, donnait sur <strong>la</strong> chambre. Il avait vécu<br />

là deux ou trois ans avec une femme, Ève. Il n’avait pas pensé à<br />

cet endroit depuis plus d’un siècle. Il lui était complètement<br />

sorti de <strong>la</strong> tête. Mais à présent qu’il se trouvait face à ces ruines,<br />

des fragments de cette époque lui revenaient à l’esprit, des<br />

ruines d’une autre sorte : dans ce coin, maintenant plein de<br />

plâtre écroulé, il y avait une <strong>la</strong>mpe <strong>bleue</strong>. Un poster de Van<br />

Gogh était punaisé à ce mur, où ne se trouvaient plus<br />

maintenant que des blocs de pierre, des tuiles, des feuilles<br />

sèches poussées par le vent. La grosse poutre avait disparu, de<br />

même que ses supports dans les murs. Quelqu’un avait dû <strong>la</strong><br />

retirer. C’était difficile à imaginer ; elle devait peser des<br />

centaines de kilos. Les gens faisaient parfois de drôles de<br />

choses. Mais avec <strong>la</strong> déforestation il ne devait pas rester<br />

beaucoup d’arbres assez gros pour tailler une poutre pareille.<br />

Pendant des siècles, des gens avaient vécu sur cette terre.<br />

La déforestation pouvait cesser un jour d’être un problème.<br />

Dans <strong>la</strong> voiture, Sylvie lui avait parlé de l’hiver de l’inondation,<br />

du vent, de <strong>la</strong> pluie. Le mistral avait duré un mois. Certains<br />

disaient qu’il ne finirait jamais. En regardant <strong>la</strong> maison<br />

dé<strong>la</strong>brée, Michel n’éprouvait aucune peine. Il avait besoin du<br />

vent pour s’orienter. C’était drôle comme <strong>la</strong> mémoire<br />

fonctionnait, ou ne fonctionnait pas. Il grimpa par-dessus le<br />

mur éboulé du mas, essaya de retrouver d’autres images de cet<br />

endroit, de sa vie ici avec Ève. La chasse aux souvenirs. Au<br />

passé. À <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce, il lui revint des souvenirs d’Odessa, de sa vie<br />

avec Maya, de Spencer qui habitait plus loin, dans le couloir.<br />

Peut-être les deux vies partageaient-elles suffisamment<br />

d’aspects pour expliquer le rapprochement. Ève était soupe au<br />

<strong>la</strong>it, comme Maya ; quant au reste, <strong>la</strong> vie quotidienne était <strong>la</strong> vie<br />

quotidienne, en tous temps, en tous lieux, pour un individu<br />

donné. On s’instal<strong>la</strong>it dans ses habitudes comme dans ses<br />

meubles, on les emportait avec soi d’un endroit à l’autre. Qui<br />

sait.<br />

Les murs intérieurs de <strong>la</strong> maison étaient de plâtre beige c<strong>la</strong>ir,<br />

propres, ornés de gravures. Maintenant les p<strong>la</strong>ques de plâtre<br />

restantes étaient nues, dé<strong>la</strong>vées, semb<strong>la</strong>bles aux murs extérieurs<br />

d’une vieille église. Ève se mouvait dans <strong>la</strong> cuisine comme une<br />

263

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!