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Mars la bleue

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éc<strong>la</strong>tante, li<strong>la</strong>s, de <strong>la</strong> mi-journée. Russell emboîtait le pas à Zo,<br />

ses lunettes rondes faisant comme des miroirs dans son visage,<br />

si bien que lorsqu’il tournait <strong>la</strong> tête, les touffes d’herbe se<br />

reflétaient dedans. Il avait l’air complètement ahuri, sidéré par<br />

ce qui l’entourait, et il marmonnait dans un vieux bloc-poignet<br />

qui pendait au bout de son bras comme une menotte.<br />

Une dernière boucle avant le <strong>la</strong>c avait donné naissance à une<br />

jolie p<strong>la</strong>ge de sable et de gravier. Après s’être assurée, du bout<br />

d’un bâton, que ce n’était pas une zone de sables mouvants, Zo<br />

enleva son maillot trempé de sueur et s’engagea dans l’eau, qui<br />

était d’une fraîcheur agréable à quelques mètres du rivage. Elle<br />

plongea, nagea sous l’eau, se cogna <strong>la</strong> tête. Il y avait un rocher<br />

au fond. Elle l’esca<strong>la</strong>da et plongea de là trois ou quatre fois, se<br />

redressant juste après être entrée dans l’eau. Ce plongeon<br />

difficile et gracieux lui procurait au creux de l’estomac une<br />

agréable sensation d’apesanteur. Elle n’avait jamais éprouvé<br />

une sensation non orgasmique aussi proche de l’orgasme. Elle<br />

plongea ainsi plusieurs fois, jusqu’à ce que l’impression<br />

disparaisse, et qu’elle soit rafraîchie. Puis elle ressortit du <strong>la</strong>c,<br />

s’allongea sur le sable, sentit sa chaleur et le rayonnement<br />

so<strong>la</strong>ire <strong>la</strong> cuire sur les deux faces. Un vrai orgasme aurait été<br />

parfait, mais elle avait beau être étalée devant lui comme un<br />

at<strong>la</strong>s du sexe, Russell était assis en tailleur au bord de l’eau,<br />

apparemment absorbé par <strong>la</strong> boue. Il était tout nu à part ses<br />

lunettes et son bloc-poignet, petit primate ratatiné, tanné<br />

comme un paysan, chauve, comme l’image qu’elle se faisait de<br />

Gandhi ou de l’Homo habilis. Il était tellement différent, si<br />

antique et petit, qu’il réussissait à être un peu excitant à sa<br />

façon : le mâle d’une espèce de tortue sans carapace. Elle écarta<br />

l’un de ses genoux, fit basculer son bassin dans une posture<br />

d’offrande. Impossible de s’y méprendre. Le soleil était chaud<br />

sur sa vulve exposée.<br />

— Quelle boue stupéfiante, dit-il. Je n’ai jamais vu un biome<br />

pareil.<br />

— Ah bon.<br />

— Ça vous p<strong>la</strong>ît ?<br />

— Le biome ? J’imagine. Il fait un peu chaud, il y a un peu<br />

trop de p<strong>la</strong>ntes, mais c’est intéressant. Ça change.<br />

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