Docteur en Sciences de gestion Mention ... - Tour du Valat

Chapitre 3 – La recherche scientifique comme action environnementaleAu-delà du statut de ces populations, ces suivis fournissent les données essentielles pour lediagnostic des « problèmes de conservation, en détectant des tendances défavorables et en enidentifiant les causes » (Plan stratégique 2011-2015, 2010 : 41) par la confrontation des donnéessur les différentes espèces et sur leurs habitats (modification des habitats, variables abiotiqueseau, climat, etc.) et sur la gestion (niveau d’exploitation de certaines espèces, contrôle ou non decertaines espèces envahissantes, etc.). L’historicité des données prend toute sa valeur dans ce typed’exploitation, car ce n’est que par un tel diagnostic que la TdV peut élaborer des modes degestion plus favorables à la faune et la flore des milieux humides. Ainsi, la TdV a besoin deréaliser ces suivis pour « faire une veille, savoir ce qu’il se passe sur la Camargue en termes d’espèce en fonctionde ses mutations, pour alerter et agir » (chercheur TdV, com.pers., 2010) et traduire cette connaissanceen termes de gestion. « Par exemple pour les hérons, on ne fait plus de recherche dessus, mais on suit ce qui sepasse, on informe, on alerte et on voit s’il faut intervenir pour leur maintien ».Or, peu de données de ce type sont disponibles en dehors de celles que la TdV produit au niveaude la Camargue. Ses scientifiques défendent l’idée qu’elle a intérêt à les produire elle-même. Eneffet, les organismes fournissent rarement leurs données brutes à d’autres, au mieux ils se leséchangent et les négocient. Ces données représentent un coût important ou une source de revenupour les organismes producteurs qui souvent en dépendent (Réserve Nationale de Camargue,com.pers., 2009), elles sont aussi des ressources pouvant attirer d’autres ressources (comme despartenaires). La mutualisation des données et du travail peut être absolue comme le montrentplusieurs projets communs à la TdV et l’ONCFS ; ou au contraire être un facteur de blocagecomme dans le cas de l’Observatoire de Camargue qui devait réunir 7 structures scientifiques etgestionnaires d’espaces naturels de Camargue (Lebreton, 2008 : 31). Loin d’être uniquement uneaffaire de ressources financières et partenariales, la production des données se négocie surtoutparce que c’est à partir d’elles que les scientifiques peuvent développer leur recherche et l’actionen faveur des ZH. L’exemple des laro-limicoles, dont plusieurs espèces sont en déclin enCamargue 88 , est éloquent. Dans le document d’évaluation de fin de programme 2006-2010 (2010),on peut lire l’explication suivante : « Le suivi et l’action sur les laro-limicoles en Camargue restecependant difficile, en dépit du grand intérêt de conservation qu’ils représentent, en raison d’une88 L’avifaune se porte plutôt bien en Camargue depuis les années 1990, même depuis les années 1980 pour certainesespèces. « Les laro-limicoles regroupent les espèces d’oiseaux appartenant aux Laridés (goélands et mouettes), auxSternidés (sternes et guifettes) et aux Limicoles (petits échassiers dont l'huîtrier, l'échasse, l'avocette, les gravelots etles chevaliers) tous inféodés, en Méditerranée, au littoral ou à ses proches habitats (milieux lagunaires, côtesrocheuses) » (pole-lagunes.org). Ils sont presque les seuls à présenter des baisses d’effectifs pour plusieurs espèces dece groupe (sternes, etc.). Les scientifiques de la TdV l’expliquent par un manque de disponibilité des habitats, dudérangement et possiblement par un problème de ressource alimentaire pour ces espèces en baisse (com.pers., 2010).135