Docteur en Sciences de gestion Mention ... - Tour du Valat

Chapitre 2 – Une approche inductive et réflexiveL’approche clinique a pris de l’importance dans les théories de l’organisation dans les années1970-1980, dans un mouvement qui, en cherchant à dépasser les limites des modèles rationnels,visaient à comprendre davantage la réalité des processus organisationnels en travaillant plus prèsdes acteurs qui les composent. La sociologie de Crozier et Friedberg (1977) a largement contribuéà cette orientation de la recherche sur les organisations en pensant les structures et les règlesrégissant le fonctionnement des organisations d’abord par les stratégies de ses membres et endéveloppant une pratique de recherche idoine dont les méthodes vont chercher au plus près de laspécificité des terrains « et généralise[nt] seulement à partir d’une compréhension intime de cescas » (Crozier, 1963 : 17). Cette démarche de recherche est précisément exposée dans l’annexeméthodologique de L’acteur et le système (Crozier & Friedberg, 1977 : 449) et dans la quatrièmepartie du Pouvoir et la règle (Friedberg, 1997[1993] : 297). Notons qu’en cela, les deux sociologuess’inscrivent dans la perspective de production de connaissances ouverte par B. Glaser et A.Strauss (1967) plaidant pour la création de catégories conceptuelles et ensuite de théories à partirdes données de terrain (grounded theory). Nous avions promis de retrouver l’approche croziérienneau moment d’aborder notre démarche de recherche, leur proposition a indéniablement influencénotre travail. Pour analyser et parvenir à rendre compréhensibles et appréhendables la« structuration / restructuration des champs à travers l'action collective des hommes et lesprocessus de construction de ces ordres locaux » (ibid. : 299), le cheminement du chercheur doitrespecter trois temps. Ces trois temps renvoient à la notion de distance entre l’analyste et lesystème d’action organisé qu’il étudie qui est une notion importante dans un contexte derecherche-intervention en sciences de gestion (Plane, 2000 : 49). D’abord, il doit rompre avec lesévidences, « avec la réalité sensible, avec les catégories du sens commun (des acteurs comme dessiennes propres) » et il doit mettre le système qu’il observe en question. Ensuite, « le chercheurdoit délaisser un temps toute posture critique, toute volonté d'évaluation ou de jugement, toutenormativité extérieure, tout « ethnocentrisme » à l'égard des pratiques qu'il observe » (ibid. : 305).C’est-à-dire qu’il doit pour cela « travailler à prendre conscience, autant que faire se peut, desregistres sur lesquels il pense et perçoit » (Foucault, 1966 cité par Arnaud, 1996). « Si aberrants,contradictoires et dépourvus de sens qu’ils lui paraissent de prime abord, il sait – c’est là lepostulat heuristique de base qui commande toute la démarche – que tous les phénomènes qu’ilobserve ont un sens et correspondent à une rationalité à partir du moment où ils existent » etc’est l’objet de son travail que de retrouver le sens profond derrière les sens et non-sens apparent(Crozier & Friedberg, 1977 : 456). En effet, « ça n’est qu’en reconstruisant de l’intérieur la logiquepropre des situations telle qu’elle est perçue et vécue par les acteurs eux-mêmes qu’il pourradécouvrir les données implicites par rapport auxquelles seules leurs conduites, apparemment75