Docteur en Sciences de gestion Mention ... - Tour du Valat

Partie 2 – Ancrage dans des cas concrets d’actions environnementalestrès cher (les actions de chasse peuvent s’eléver à 10000 euros), ce qui les incite à gérer leursmarais « au rendement » – cela signifie avoir le maximum de canards au moment voulu. Cespratiques consistent à introduire de l’eau dans les marais pendant l’été afin que l’herbe y pousse etque les canards y soient présents le jour de l’ouverture de la chasse fin août, et parfois mêmed’introduire des canards colverts d’élevage quand les marais ne sont plus d’assez bonne qualitépour attirer la faune sauvage. La mise en eau des marais n’est pas mauvaise en soi, elle est mêmenécessaire dans le cas du delta poldérisé de la grande Camargue. Mais la gestion « au rendement »est néfaste à long terme, à la fois du point de vue de la biodiversité caractéristique des milieuxméditerranéens – la mise en eau trop régulière favorise la colonisation par des espèces végétalesaquatiques moins typiques et intéressantes au regard des enjeux de conservation – mais aussi dupoint de vue de l’activité cynégétique – car les marais finissent par subir des phénomènesd’eutrophisation et de fermeture par la colonisation d’espèces envahissantes (Tamisier & Grillas,1994 ; Mathevet & Mesléard, 2002). A l’échelle de la Camargue, ces pratiques participent à labanalisation des milieux qui perdent leur identité méditerranéenne, comme le montre l’étudemenée par J-C. Aznar, A. Dervieux et P. Grillas (2009) 114 expliquant la subtilité de la gestion desmarais qui peut se résumer ainsi : un apport raisonnable d’eau douce augmente la biomasse desplantes aquatiques, ressource alimentaire des oiseaux d’eau (Mesléard et al., 1995), tandis que lapermanence – ou quasi-permanence – de l’eau entraîne une banalisation, voire une dégradationdes milieux qui affecte d’abord la flore puis les oiseaux d’eau en perdant son caractère attractif.La TdV a commencé à travailler sur le gibier d’eau (canards) et sur l’écologie des marais dès lespremières années de son existence (avec la très ancienne activité de baguage) et de laformalisation de son activité de recherche (écologie des habitats). Depuis, le travail est réalisé encollaboration étroite avec l’Office Nationale de la Chasse et de la Fauve Sauvage (ONCFS) qui ainstallé ses bureaux dans les locaux de la TdV dans les années 80 115 . Les ingénieurs de recherchede l’ONCFS qui travaillent sur la dynamique des canards ont ainsi disposé de l’important jeu de114 « Sans apport d'eau douce, les communautés végétales terrestres seraient composées principalement d'espèceshalophytes comme les salicornes (Arthrocnemum spp.). Les marais peu profonds seraient temporaires et marqués pardes assèchements estivaux prolongés. L'apport d'eau douce introduit des espèces de milieux saumâtres ou doux, ilaugmente la biomasse des plantes aquatiques qui constituent, avec leur faune inféodée, une ressource alimentaireessentielle pour les oiseaux d'eau. Favoriser la permanence de l'eau douce permet ainsi de maintenir ou d'augmenter,sur les territoires, la présence des oiseaux d'eau, et notamment des espèces gibiers, en leur fournissant un habitatadéquat et des ressources trophiques plus abondantes. Cependant, la permanence de l'eau favorise l'apparition deplantes exogènes dites "envahissantes" et plus généralement, une modification des cortèges floristiques (Tamisier &Grillas, 1994 ; Aznar et al., 2003). Les plantes aquatiques sont parmi les premières communautés à réagir à ceschangements, mais l'ensemble de l'écosystème s'en trouve affecté ».115 « L’office a toujours cherché à avoir un pied-à-terre en Camargue pour l’étude des oiseaux d’eau et le gardiennage. Au début, c’estseulement un technicien qui a été envoyé, puis petit à petit, l’équipe s’est agrandie » (Ingénieur ONCFS, com.pers., 2010).166