Docteur en Sciences de gestion Mention ... - Tour du Valat

Partie 2 – Ancrage dans des cas concrets d’actions environnementaleshommes politiques pour lesquelles nous ne disposerons que d’évidences « molles » ou sujettes àcontroverses » (Theys, 1991 : 12). Or, « en diffusant leurs résultats dans la sphère publique, leschercheurs sortent de la communauté scientifique pour entrer dans un nouvel espace dediscussion qui leur imposera parfois de transformer des résultats provisoires en faits simples etsans nuances. Ils deviennent alors, contre leur volonté, des ‘experts formels’ » (Lefeuvre, 1991 :39), ce qui peut les desservir tant au niveau de leur crédibilité au sein de la communautéscientifique qu’au regard de leur enjeu politique. Les scientifiques de la TdV ont ainsi refusé desexpertises comme celle de l’impact sur les populations de chauves-souris des traitementsantiparasitaires utilisés chez les bovins 96 , car la validité scientifique ne leur semblait pas suffisanteet ils ne voulaient pas prendre le risque de travailler sur un projet sans garantie d’avancéescientifique au risque de ternir leur légitimité (chercheur TdV, com.pers., 2009).Dans le cas de l’étude de l’impact du Bti, les scientifiques de la TdV doivent d’abord relever unenjeu scientifique : ils perçoivent très bien la difficulté de mettre en place un tel suivi enconditions non contrôlées (conditions réelles du terrain), sachant que la littérature sur le Btis’accorde sur sa non-toxicité, ils doivent commencer par mettre au point le protocole pour menerà bien ce suivi. La démoustication a longtemps été réalisée avec des insecticides organophosphorésnon sélectifs – jusqu'en 2006 en Méditerranée (Claeys-Mekdade & Sérandour, 2009)– mais a connu depuis des évolutions avec des efforts portés davantage sur la gestion des zonesde prolifération (action sur la végétation et sur la présence d’eau), mais aussi par le remplacementdes insecticides chimiques par la lutte biologique à l’aide de la bactérie Bacillus thuringiensis var.israëlensis (Bti), qui est aujourd’hui la plus utilisée dans le monde pour contrôler les populations demoustiques et de mouches noires (Rowe et al., 2008 ; cité par Poulin et al., 2010a). Jusqu’ici, le Bti,sélectif, « est considéré [comme étant] non toxique pour les humains, les mammifères, lesoiseaux, les plantes et la plupart des organismes aquatiques » (Boisvert & Boisvert, 2000 ; Lacey& Merritt, 2004, cité par Poulin et al., 2010b), hormis des effets sur les chironomes, insectesappartenant au même sous-ordre que les moustiques (nématocères) non-cibles constituant uneressource alimentaire (directe ou indirecte) importante pour les oiseaux, les chauves-souris etcertains rongeurs. La TdV se trouve donc face à l’enjeu scientifique d’améliorer les protocolespour potentiellement apporter un nouveau résultat sur un éventuel impact négatif du Bti sur lafaune non-cible. Ses scientifiques ont alors entrepris d’évaluer l’impact du Bti « via le réseautrophique en étudiant l’abondance des organismes non-cibles prédateurs de nématocères, […] les96 Les résidus des produits utilisés peuvent se retrouver dans les bouses et tuent ensuite les insectes qui constituentune ressource alimentaire des chauves-souris (Chercheur TdV, com.pers., 2010).142