Docteur en Sciences de gestion Mention ... - Tour du Valat

Partie 3 – Réflexion stratégique et évaluation de l’impact de l’action environnementalele domaine de l’écologie des oiseaux d’eau avaient peine à se positionner sur la façon de fairepasser les recommandations de gestion au nouveau gestionnaire du site : « il y a la productionscientifique, certes, et après il y a un second niveau : la TdV en tant qu’acteur. Et là il faut qu’on sache prendreposition et qu’on assume cette position. Il y a une grosse question au niveau du programme flamants : mise en eauou pas. Je trouve le positionnement au niveau de la recherche trop lâche : ce n’est pas au parc de dire s’il faut mettrede l’eau ou pas, pomper ou pas. Je dis mais attend : ok, le parc prend la décision in fine, mais il faut qu’onprenne une position pour savoir si on recommande au parc de le faire ou pas, et s’il faut qu’on assume le coûtfinancier de cette demande… » (Direction TdV, com.pers., 2010). Au début de l’année suivante,d’autres scientifiques exprimaient quelques réticences à s’investir en recherche sur ce site sachantque sa gestion dépendait des manœuvres politiques et restait très incertaine : « la reconversion dessalins est également bien classée avec une urgence reconnue et l’avis assez largement partagé que la TdV peut avoirun impact positif avec une bonne efficience. Cette thématique est perçue comme devant faire appel d’abord aulobbying puis dans une moindre mesure à la recherche, la gestion et l’expertise » (Synthèse des priorités del’équipe Camargue, janvier 2010). Comme indiqué plus haut, ces scientifiques ont, dans unpremier temps, freiné la construction du programme, le temps de « mieux prendre leursmarques » sans véritablement opposer d’autres enjeux de conservation forts à celui des salinsporté par la direction. Peu de temps après, nous avons pu observer une appropriation de l’enjeudes salins par les scientifiques et experts de la gestion des ZH, visible à la fois dans les documentspréparatoires du Plan stratégique 2011-2015, mais aussi dans l’animation des réunions ayant eulieu sur le sujet en ce début de printemps 2010 : « Il se passe beaucoup de choses à Salin-de-Giraud,notamment autour des terrains nouvellement acquis ou en cours d’acquisition ; nous avons nous-mêmes plusieursprojets en cours ou en préparation. Il est important de bien faire circuler l’information entre tous les membrespressentis (auxquels peuvent se joindre ceux qui veulent) pour avancer de manière concertée et en connaissance decause » (Réunion « groupe Salins », avril 2010). Finalement, la TdV s’est positionnée comme unacteur scientifique dans le jeu de la reconversion des Salins. En effet, comme nous l’avonsexpliqué dans le chapitre 3, la posture de scientifique est à la fois la logique d’action (laproduction d’un contenu, de connaissance pour la restauration du site), mais aussi une stratégiede positionnement dans le système d’acteurs (plutôt que de se présenter en acteur territorial tropdirectement concurrent du PNRC qui cherche à asseoir son statut de gestionnaire d’espacesnaturels). Si les tensions entre la recherche scientifique et les choix d’enjeux de conservation,l’expertise et les recommandations de gestion sont inhérentes à l’action de la TdV et occuperonttoujours un espace dans les débats internes, le cas des Salins nous montre qu’aussi délicates àgérer soient-elles, ces tensions peuvent être synergiques.344