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L'S APRÈS L'E MUET 381
On voit que la liaison de la syllabe muette avec s,
av pluriel, est plus restreinte dans' la langue parlée
que celle de la syllabe tonique. Même dans la lecture
ou le discours, elle est souvent évitée comme désagréable
à l'oreille, et il y a une foule de cas où elle
ne peut se faire qu'en vers. Mais là elle est naturellement
indispensable, sans quoi les vers seraient
faux :
Et fit tourner le sort des Perse(s) taux Romains (1).
Nos prince(s) zont-ils eu des soldats plus fidèles? (2).
A vrai dire, les poètes mettent quelquefois le lecteur
à de rudes épreuves, jusqu'à Racine lui-même :
Mes promesse(s) zau(x) zwn(s) zéblouirent les yeux (3).
Encore peut-on se tirer d'affaire ici par une pause
après promesses; mais alors le vers paraît clocher,
parce que l'e muet a l'air de s'élider. Ce sont des
pauses qu'il faut éviter autant que possible, et l'on
n'hésitera pas à dire, par exemple :
Quels reproche(a), zhélasi auriea-vous à vous faire? (4).
car le mot hélas! se lie assez bien à ce qui précède.
Il y a d'ailleurs des pauses qui ne sont guère possibles,
comme dans
Et le soir on lançait des flèche(s) iau(x) zétoiles,
où la liaison de flèches demande de la délicatesse (5).
Si l's même du pluriel ne se prononce pas toujours
volontiers dans l'usage courant après un e muet, il en
1. CORNEILLE, Polyeucte, acte I, scène 3. S'il y avait Persans,
la liaison se ferait même en prose.
2. Id., ibid., acte IV, scène 6.
3. RACINE, Britannicus, acte IV, scène 2.
4. VOLTAIRE, les Scythes, acte II, scène l.
5. V. HUGO, .légende des siècles, II, la Conscience. Le môme
dans ses Odes, 1, 8, avait écrit d'abord : Les bronzes ont tonné;
il a corrigé ensuite judicieusement, et mis : Les canons ont tonné.