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94 LA VOYELLE E
La distinction entre Ye final, qui est fermé, et
l' suivi d'une consonne articulée, qui est ouvert,
est si marquée et si constante, que quand les infinitifs
en -er (é) se lient avec la voyelle suivante,
liaison qui se maintient au moins en vers pour
éviter l'hiatus, Ye s'ouvre aussitôt, au moins à
moitié : tous les efforts des grammairiens, comme
Domergue, pour maintenir Ye fermé, ont échoué.
Ainsi dans l'hémistiche pour aller à Paris, avec
liaison, Ye est intermédiaire entre l'é fermé (Yaller
et Yè ouvert de colère. Peut-être aussi l'affaiblissement
de l'accent contribue-t-il à cette ouverture.
Les finales masculines en -é sont fermées en quelque
sorte si nécessairement, que même des finales
qui furent longtemps ouvertes — par la volonté des
grammairiens beaucoup plus que par une tendance
naturelle — ont fini par se fermer de nouveau définitivement
: ce sont les articles et pronoms monosyllabiques
les, des, ces, et mes, tes, ses(l). A la vérité,
beaucoup d'acteurs, de professeurs, d'orateurs, s'efforcent
encore d'articuler lès hommes, et essayent
de résister à l'usage universel, mais cette prononciation
est absolument conventionnelle. Elle est bonne
tout au plus dans le chant, qui a des exigences propres
: quand on parle, on ne saurait prononcer mes
dans mes sœurs autrement que dans mesdames, oti il
est certainement fermé. Même après un impératif, le
pronom les, devenu tonique, est aussi fermé que l'article
dans l'usage universel. Sans doute les poètes
continuent à faire rimer donne-les avec poulets ou
balais, mais c'est affaire à eux, et on ne voit pas
1. Au xvn e siècle, Ye de ces mots é^ait déjà généralement fermé,
au moins à Paris; ce n'est qu'au xvm» siècle el au xix e que les
grammairiens finirent par le faire ouvrir, dans la prononciation
soutenue; mais la tendance était trop forte pour qu'on pût la
détruire dans la langue courante.