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E. Perret : récits algériens 1830-1848 - Accueil

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laisser personne en arrière, mais quantité d'hommes,<br />

épuisés par la misère, se cachaient dans les broussailles<br />

où les Arabes savaient les retrouver ; ils aimaient mieux<br />

se laisser couper la tête que continuer à lutter contre des<br />

souffrances sans nom. On dut abandonner le convoi, et<br />

quand on défonça les tonneaux d'eau-de-vie, ce qui était<br />

une malencontreuse idée, car les Arabes n'en boivent pas<br />

et se fussent peu souciés de ce genre de prises, on vit une<br />

foule de malheureux se précipiter sur les ruisseaux que<br />

formait la funeste liqueur en se répandant. Quand ils se<br />

relevaient, ils étaient condamnés à mort, car l'ivresse<br />

arrive vite dans les corps débilités, et avec l'ivresse l'im-<br />

possibilité démarcher. Les cacolets, encombrés de malades,<br />

ne purent emporter les hommes ivres ; il fallut les abandonner<br />

à la sairvagerie des Arabes.<br />

Chaque soldat français a l'étoffe d'une soeur de charité,<br />

et il ne faut pas s'étonner si parfois il oublie ses propres<br />

souffrances pour en soulager de plus grandes. La colonne<br />

ramenait de Mascara quelques centaines de - juifs qui<br />

avaient refusé de suivre Abd-el-Kader quand il avait<br />

ordonné d'évacuer la ville à notre approche, et qui, par<br />

cela même, étaient voués au massacre. Ils formaient une<br />

lamentable caravane : les vieillards, quelques femmes, les<br />

enfants montés sur des mulets ou des ânes, les autres à<br />

pied ; on les entendait, cheminant péniblement, chanter<br />

avec des voix épuisées, le psaume du retour de la captivité<br />

d'Israël. Ces malheureux furent presque tous sauvés par<br />

nos soldats ; on vit des fantassins lourdement chargés<br />

jucher des enfants sur leurs sacs, des cavaliers mettre<br />

pied à terre et céder leurs chevaux à des vieillards ou des<br />

malades, des blessés descendre de cacolet pour y faire<br />

monter des femmes. Pourtant un groupe formant la gauche<br />

de la caravane, perdit peu à peu sa distance et l'arrière-<br />

garde dut le dépasser. Les deux ou trois cents Arabes qui<br />

suivaient la colonne à la piste comme une bande de chacals,<br />

l'entourèrent subitement à la vue même du bataillon. Le

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