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E. Perret : récits algériens 1830-1848 - Accueil

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— 368 —<br />

« Vous vous êtes révoltés contre la loi de Dieu, dit-il ;<br />

vous avez été pris les armes à la main, la loi de Dieu vous<br />

condamne à mourir.<br />

» — Ne profane pas ainsi la loi de Dieu, répondit le caïd<br />

de la tribu vaincue ; tu n'as pas consulté la loi de Dieu<br />

lorsque tu emprisonnais nos frères de Tlemcen, tu ne l'as<br />

pas consultée lorsque, après nous avoir donné l'aman, tu<br />

lançais contre nous toute ton armée. Tu peux nous faire<br />

frapper par tes chaouchs, la mort est cent fois préférable à<br />

la honte de t'être soumis. »<br />

Et ces paroles d'un Turc à un Arabe étaient prononcées d'un<br />

ton si méprisant, que les traits d'Abd-el-Kader se contractèrent<br />

hideusement ; la haine, la haine effroyable leur imprima<br />

un cachet de férocité inouïe, ses yeux devinrent des yeux de<br />

tigre, ses lèvres blanchirent. Ce n'était plus là le doux Abd-el-<br />

Kader, le souverain magnanime et clément comme le présentaient<br />

quelques <strong>récits</strong> par trop naïfs de l'époque ; c'était<br />

une bête fauve altérée de sang. Il fit signe à ses chaouchs<br />

de saisir le courageux caïd; celui-ci, en récitant d'une<br />

voix assurée la profession de foi musulmane, se mit de luimême<br />

à genoux, tendant la tête qui fut tranchée d'un seul<br />

coup et alla rouler aux pieds des bourreaux. La vengeance<br />

de l'émir n'était pas assez satisfaite, il fixa sur le groupe des<br />

prisonniers ses yeux injectés de sang ; les chaouchs comprirent,<br />

une deuxième, une troisième tête roulèrent à côté<br />

de la première. Cette scène d'une cruauté sauvage continuant,<br />

les quinze prisonniers qui survivaient et dont les<br />

visages n'annonçaient ni crainte ni douleur malgré cet horrible<br />

spectacle, se préparaient à mourir. Les chaouchs venaient<br />

de faire agenouiller devant eux un vieillard presque<br />

mort de froid et allaient l'exécuter, lorsque une troupe de<br />

petits enfants se précipita sous la tente ; une petite fille<br />

s'empara des mains d'Abd-el-Kader et les couvrit de baisers<br />

et de larmes. « Au nom de ta mère, au nom de la mémoire<br />

de ton père, au nom de tes enfants, pardonne à mon père ! »<br />

sanglotait la pauvre enfant.

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