09.02.2015 Views

BELLE-ROSE

BELLE-ROSE

BELLE-ROSE

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

l’ivoire d’un front délicat avec une charmante vivacité ; la pâle<br />

transparence de ses joues, de son col, de ses épaules, où rampait<br />

un réseau de veines bleuâtres, s’illuminait parfois de teintes roses,<br />

comme rougissent les neiges sous un baiser du soleil. La<br />

divine statue s’animait sous l’éclair de la passion ; et comme la<br />

déesse antique, elle apparaissait aux yeux charmés toute<br />

éblouissante de vie, de jeunesse et d’amour. M me de Châteaufort<br />

passait pour une des femmes les plus influentes de la cour du<br />

jeune roi ; son mari, gouverneur de l’une des provinces du midi<br />

de la France, la laissait complaisamment à Paris, où il pouvait<br />

tout espérer du crédit de sa femme. En retour de cette influence,<br />

M. de Châteaufort accordait à la duchesse, sa femme, une liberté<br />

dont elle usait pleinement. C’était entre eux comme une sorte<br />

de compromis tacite dont les clauses s’exécutaient loyalement.<br />

À lui les titres, les honneurs, les dignités ; à elle le luxe, les plaisirs,<br />

l’indépendance. À l’époque dont nous parlons, ces sortes<br />

d’associations consacrées par le sacrement du mariage étaient<br />

tolérées, peut-être même autorisées par les mœurs, et personne<br />

ne songeait à médire de leurs conséquences. Ceux qui faisaient<br />

de la conduite de M me de Châteaufort le sujet de leurs entretiens<br />

ne songeaient pas à la blâmer ; les jeunes gens cultivaient sa<br />

connaissance dans l’espérance du profit qu’en pouvait tirer leur<br />

amour-propre, les autres pour le bénéfice de leur ambition. Au<br />

moment où M me de Châteaufort rencontra Belle-Rose, le bruit<br />

de ses galanteries avec M. de Villebrais commençait à se répandre<br />

à la cour. Les raffinés s’en étonnaient et en cherchaient la<br />

cause ; les vieux seigneurs, qui avaient guerroyé sous<br />

M me de Chevreuse et M me de Longueville, ne se tourmentaient<br />

pas pour si peu.<br />

– Cela est, parce que cela est, disaient-ils. Sait-on pourquoi<br />

le vent souffle <br />

Mais ce dont personne ne se doutait, c’est que le règne de<br />

M. de Villebrais eût vu sa dernière heure ; de l’aurore à son crépuscule,<br />

cet amour n’avait eu qu’un éclair. La noble fierté,<br />

– 144 –

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!