09.02.2015 Views

BELLE-ROSE

BELLE-ROSE

BELLE-ROSE

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Et c’était alors de nouveaux sanglots.<br />

– Elle pleurait, elle m’aimait, elle expirait, reprenait-il, et<br />

moi je vous tenais, à vous, madame, je ne sais quels sots discours<br />

! Misérable que j’étais ! Comment se fait-il que je n’aie<br />

point deviné sa présence aux dames bénédictines je l’en aurais<br />

arrachée !<br />

– Elle ne l’eût point voulu, dit Suzanne.<br />

– C’est une terrible histoire !… Étais-je digne de ce cœur<br />

pur comme le diamant J’ai vécu d’une étrange sorte, et cependant<br />

je l’ai toujours aimée. Elle occupait une place secrète au<br />

fond de mon cœur où ma pensée n’osait descendre ; elle y vivait<br />

comme une idole qu’on adore et qu’on n’approche pas. J’ai suivi<br />

bien des sentiers fangeux, emporté loin d’elle par je ne sais<br />

quelle fougue indomptée, quels désirs insatiables ; mais dans<br />

cette existence où mon cœur laissait un peu de sa force à toutes<br />

les aventures du chemin, elle est la seule chose que j’ai entourée<br />

d’amour et de respect. C’était la goutte de rosée sur le roc aride,<br />

la fleur embaumée entre les ronces. Pauvre Gabrielle ! Je me<br />

souviens encore de l’heure où elle s’est enfuie, rougissante et<br />

confuse, me laissant un aveu dans son regard limpide ! Trois<br />

ans après, elle était morte ! Et moi, je donnais tous mes jours au<br />

hasard ; j’avais tant vu de mensonges que je m’étais fait de la<br />

vérité un rêve qu’il faut aimer sans y croire. Quand je la rencontrai,<br />

j’étais un cadet de famille, n’ayant pour toute fortune<br />

que la cape et l’épée. Le chevalier d’Arraines n’était point un<br />

parti convenable pour la fille du marquis de Mesle ; je l’aimais,<br />

et je le lui dis sans savoir pourquoi… Plus tard, mon frère mourut<br />

; héritier du titre et du nom, je pouvais presque prétendre à<br />

sa main ; mais j’étais sans nouvelles, et ce fut alors que mon<br />

père m’envoya à Malzonvilliers. Depuis cette visite, mes jours<br />

ont coulé comme de l’eau ; il ne m’en est rien resté, qu’un peu<br />

d’écume à la surface. Pauvre Gabrielle !<br />

– 566 –

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!