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BELLE-ROSE

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– Qu’elle est belle ! disait un cornette du régiment de Crussol<br />

qui se penchait en avant pour la mieux voir.<br />

– Vrai Dieu ! reprit un autre officier, pour cette femme je<br />

donnerais ma vie et ma maîtresse !<br />

– Cette femme ajouta un troisième, dites donc cette<br />

déesse !<br />

Belle-Rose, à son tour, regarda du côté des dames ; un<br />

éclair sembla passer devant ses yeux éblouis ; son cœur cessa de<br />

battre, et il devint pâle comme un mort.<br />

M me de Châteaufort, fière et superbe comme la Diane chasseresse,<br />

marchait au milieu du groupe. Elle avait toujours cette<br />

beauté splendide qui lui donnait l’aspect d’une reine. Ses yeux<br />

étincelants et sa lèvre dédaigneuse attiraient et repoussaient en<br />

même temps l’admiration. Cependant un voile indéfinissable de<br />

mélancolie adoucissait l’expression un peu hautaine de son visage,<br />

où l’on voyait flotter les ombres d’une pensée amère et<br />

désolée. En ce moment elle leva les yeux : Belle-Rose était debout<br />

devant elle. Les lèvres rouges de Geneviève blanchirent,<br />

ses longs cils tremblants s’abaissèrent ; elle chancela. Mais vingt<br />

rivales étaient autour d’elle qui l’observaient ; elle redressa son<br />

front plus pur que le marbre, et passa. Belle-Rose palpitait encore<br />

sous ce regard humide plein d’amour et de prière, lorsqu’une<br />

autre secousse vint ébranler son cœur. Suzanne suivait<br />

Geneviève. Un cri faillit s’échapper de la bouche du jeune officier<br />

; il voulut courir vers elle, mais une force invincible le retint<br />

à sa place ; Suzanne semblait ne pas l’avoir vu, et cependant ses<br />

paupières et ses lèvres tremblaient ; son profil n’avait rien perdu<br />

de son angélique pureté, mais elle était pâle et résignée comme<br />

la fille de Jephté. M me d’Albergotti portait à la main une fleur ;<br />

en inclinant son front elle l’effleura de sa bouche, et la rose<br />

tomba. Elle voulut se baisser pour la ramasser dans l’herbe, où<br />

elle rayonnait comme une étoile odorante, mais elle rencontra le<br />

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