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BELLE-ROSE

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contra le regard brillant de Claudine, qui promenait un autre<br />

doigt sur sa bouche. Il semblait à M me d’Albergotti que c’était<br />

une apparition, et tout son corps frissonna comme l’eau d’un lac<br />

sur lequel passe un vent léger. Le cortège la poussait en avant,<br />

elle continua sa marche silencieuse ; mais ce matin-là elle ne<br />

sortit pas de la chapelle sans bénir Dieu. On comprend sans<br />

peine que Suzanne ne resta pas dans sa cellule ce jour-là. Vers<br />

midi, à l’heure de la promenade, elle descendit au jardin et parcourut<br />

les allées qui étaient les plus proches de la porte d’entrée.<br />

Au bout d’un quart d’heure elle rencontra Claudine, qui marchait<br />

à côté d’une religieuse. Elles échangèrent un regard et passèrent.<br />

Ce regard mit des larmes dans les yeux de Suzanne, qui<br />

se voyait enfin secourue. Elles se promenèrent longtemps ainsi,<br />

savourant la joie de se voir, mais ne pouvant encore se parler.<br />

Une fois ou deux leurs mains s’effleurèrent, une fois leurs doigts<br />

purent s’entrelacer l’espace d’une seconde. Ce fut tout, ce jourlà.<br />

C’était bien peu encore, mais ce peu suffit pour rendre<br />

l’espoir à Suzanne. Le courage demeurait tout entier, mais<br />

l’espérance s’était envolée ; elle revint et Suzanne releva son<br />

front.<br />

Le lendemain, Claudine, à qui sa condition de pensionnaire,<br />

et surtout sa dot annoncée et promise, donnaient certains<br />

privilèges, se rendit dans les jardins. La religieuse qui était spécialement<br />

chargée de son éducation devait être ce jour-là en<br />

conférence avec la supérieure ; Claudine était donc seule. Aussitôt<br />

qu’elle vit Suzanne, elle s’enfonça dans les jardins, prenant<br />

de préférence les allées les plus sombres, celles où les charmilles<br />

étaient le plus épaisses. Au bout de quelques minutes, elle se<br />

trouva dans un endroit écarté et s’y arrêta. Des pas légers faisaient<br />

craquer le sable derrière elle, ils s’approchèrent : Claudine<br />

penchait la tête, Suzanne accourut les bras tendus en<br />

avant, et les deux amies s’embrassèrent avec des larmes dans les<br />

yeux et mille tendresses sur les lèvres.<br />

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