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BELLE-ROSE

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– Mordieu ! disait-il, je vis comme un moine. Ces gaillardslà<br />

vont se faire tuer. Quelle chance !<br />

Sur ces entrefaites, Suzanne mit au monde une belle petite<br />

fille qui était rose et blanche. Le père la prit dans ses bras et<br />

l’éleva vers Dieu, après l’avoir embrassée avec des larmes de<br />

joie. La mère oublia ses souffrances pour sourire à son mari, et<br />

tous deux sentirent à cette vue leur amour s’accroître encore et<br />

s’épurer. L’enfant fut tenu sur les fonts baptismaux par Geneviève,<br />

qui lui donna son nom ; entre les trois femmes qui<br />

l’entouraient, c’était à qui lui prodiguerait le plus de soins ;<br />

Belle-Rose ne se lassait pas de le voir, et Suzanne de le caresser ;<br />

les premiers murmures que l’enfance bégaye entre des sourires<br />

les ravissaient, et c’était pour le père et la mère, fous de tendresse,<br />

des extases infinies quand la petite fille avait, de ses lèvres<br />

innocentes, balbutié un de ces noms charmants si pleins de<br />

douceurs qu’ils consolent de tout. Quelque temps Belle-Rose se<br />

laissa bercer par cette joie, mais la présence de cette enfant rendit<br />

bientôt à son impatience sa première vivacité. Il fallait à<br />

cette fille un nom et un état dans le monde ; après lui avoir<br />

donné la vie, ne devait-il pas lui donner la liberté le jardin<br />

d’une abbaye pouvait-il être son univers Ces pensées troublaient<br />

parfois la sérénité de Belle-Rose, mais quand Suzanne le<br />

voyait trop soucieux, elle mettait la petite Geneviève sur ses genoux<br />

en s’asseyant elle-même à ses pieds. Belle-Rose souriait à<br />

la mère et à l’enfant, oubliait tout un instant, et revenait bien<br />

vite à son idée fixe aussitôt qu’il était seul. Cependant le printemps<br />

de 1672 fleurissait. La France était puissante et prospère<br />

au dedans, crainte et respectée au dehors. Son influence dominait<br />

en Europe. Elle avait l’autorité du génie et la prépondérance<br />

des armes. Si un instant, vers le commencement de 1668,<br />

elle avait été contrainte de reculer devant la quadruple alliance<br />

de l’Espagne, de la Hollande, de l’Angleterre et de la Suède, et<br />

de consentir au traité d’Aix-la-Chapelle, arrêtée au cœur de ses<br />

conquêtes par cette ligue formidable, elle avait conçu<br />

l’espérance et le pressentiment de ses victoires à venir. Louis<br />

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