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BELLE-ROSE

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XXXIV<br />

UNE NUIT BLANCHE<br />

Le cri qu’avait entendu M. de Pomereux était bien le cri de<br />

Suzanne au moment où elle avait appris la mort supposée de<br />

Belle-Rose. La mère Évangélique la lui avait annoncée froidement,<br />

et Suzanne, brisée d’un seul coup, était tombée sur le carreau.<br />

La supérieure appela deux sœurs qui transportèrent la<br />

pauvre affligée dans sa chambre, où elle demeura plusieurs heures<br />

sans donner aucun signe de vie. Quand elle se réveilla<br />

comme d’un long sommeil, les pleurs ruisselèrent de ses yeux,<br />

et si on l’eût entourée dès ce moment-là, M me d’Albergotti eût<br />

certainement pris le voile. Vers le soir, son âme éperdue se rattacha<br />

à une espérance qui, dans la nuit de son désespoir, brillait<br />

comme une lueur vacillante. Il lui semblait que, dans sa cruelle<br />

narration, la supérieure avait exprimé vaguement un doute sur<br />

la réalité de la mort de Belle-Rose. Cette pensée se développa<br />

aussitôt qu’elle fut née et la saisit tout entière. Ce pouvait être<br />

aussi une fausse nouvelle préparée par M. de Louvois. Suzanne<br />

se résolut à attendre avant de prendre aucune détermination,<br />

mais le coup avait été terrible, et quand elle parut le lendemain<br />

aux prières qui se faisaient en chœur dans la chapelle, on aurait<br />

pu croire que c’était une morte qui sortait du tombeau. Trois<br />

jours se passèrent dans cette angoisse qui l’épuisait ; ses nuits<br />

étaient sans sommeil, ses jours sans repos. Il lui arrivait souvent<br />

de rester plusieurs heures accoudée contre l’appui de sa fenêtre,<br />

regardant les oiseaux du ciel, les nuages blancs, les grands ormes<br />

tout frémissants, l’eau des fontaines, les fleurs épanouies,<br />

et ne comprenant pas que la nature impassible eût encore des<br />

parfums, des bruits mélodieux, des beautés sereines, quand tant<br />

– 421 –

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